Italie : Beppe Grillo fustige la fête des travailleurs


Après l'échec de sa « marche sur Rome Beppe Grillo fulmine contre la Fête des travailleurs.

Quel jeu joue Beppe Grillo ? L'ancien comique reconverti tribun de la plèbe italienne joue le jeu dangereux du populisme à tout crin, usant jusqu'à la corde le refrain anti-parti et anti-syndicats, dans un système politique italien en voie de décomposition.

Les déclarations de Grillo sur le 1er mai ne peuvent surprendre que ceux qui connaissent mal le personnage : celui du tribun vociférant, adepte des formules fleuries, qui font mouche sur les « valets du système » mais flirtant dangereusement sur un fond qualunquiste, la variante italienne du poujadisme.

Dans un post « Les autruches du 1er mai », Grillo dresse un drôle d'oraison funèbre du 1er mai :
« C'était la fête des travailleurs, aujourd'hui c'est celle des chômeurs et du grand concert à Rome. Avant, c'était 'panem et circenses', aujourd'hui il ne reste plus que les jeux, une seule fois par an, et à la tribune, à la place de Caligula et Dioclétien, les régents de la Triplice syndicale ».

Les formules fusent avant que Grillo ne dresse le constat apocalyptique d'un pays en ruine de « chômeurs, reclassés, précaires et émigrants ». Le deuxième pays pour le nombre d'émigrés « après la Roumanie ».

Dans son populisme à tout vent, Grillo pointe du doigt les « quatre millions de fonctionnaires, les dix-neuf millions de retraités et le demi-million de personnes qui vivent de la politique, un poids insoutenable pour un pays sans croissance depuis 15 ans ».
Les retraités, les fonctionnaires, la « classe politique » : voilà ce qui pèse sur l'Italie pour Grillo !

Tout cela conduit Grillo à ne pas fêter le 1er mai : « rite fatigué des responsables, des syndicats complices, des partis qui occupent l'Etat. C'est la célébration de Caporetto et du 8 septembre réunis ! ».

Rappelons que le 8 septembre marque le jour de la capitulation du régime fasciste devant les Alliés en 1943. Honteux pour Grillo mais glorieux pour les communistes et anti-fasicstes !

Grillo a bon dos de railler le « capitaine Findus » Letta, le roi du surgelé, et l'attitude désolante de la CGIL qui a accueilli positivement le nouveau premier ministre mais le discours anti-parti et anti-syndicats de Grillo emprunte une pente savonneuse.

L'échec de la « marche sur Rome » de Grillo

Grillo a hésité à franchir le Rubicon. Le 20 avril, à l'annonce peu glorieuse de la ré-élection de Giorgio Napoletano comme président, Grillo crie au « coup d'Etat ». Il appelle à la mobilisation « par millions dans les rues à Rome », pour marcher vers le Parlement et le palais présidentiel.
Fidèle à son utilisation du « réseau », le message de Grillo prend rapidement et des milliers de manifestants répondent présents dans la soirée à Rome.

En guise de révolution, Grillo appelle au vote révolutionnaire : que le peuple... appuie le Parlement qui votera pour Stefano Rodota, le concurrent de Napoletano, homme « honnête » pour lui.

Ancien du « Parti radical » (aussi radical que le nôtre!), Rodota fut le premier président du Parti démocrate de gauche (PDS), successeur du PCI dissous. Il s'est distingué surtout par son européisme : il fut un des rédacteurs de la « Charte des droits de l'Homme de l'UE ».
Mais le vieux juriste, universitaire bourgeois, Rodota s'est empressé de dénoncer les manœuvres de Grillo : « Je suis contre la marche sur Rome » a tenu à préciser l'Homme de loi, rappelant son attachement à la « légalité démocratique constitutionnelle ».

Un camouflet pour Grillo, « radical » sur estrade, qui le conduit à soutenir le « radical » fort modéré Rodota : lui-même en 2012 exprimait ses craintes sur le « danger pour quelqu'un qui dit au Nord qu'il y a trop d'immigrés, et au Sud que la classe politique est l'équivalent de la mafia ».

La mobilisation appelée de ses vœux par Grillo, qui s'était dit prêt à camper sur la place à Rome a fait long feu : Grillo ne s'est même pas présenté à Rome, laissant ses partisans les plus exaltés subir la charge des forces de l'ordre dans les rues de Rome.

Grillo a hésité et a reculé, appelant à renvoyer ce type de mobilisation civile à plus tard.

Ses déclarations sur le 1er mai s'inscrivent dans cet après-20 avril : discrédit contre les partis et syndicats, populisme personnel et une « radicalité » anti-système qui peut aller dans tous les sens.

Sans rapprochement hâtif ni lecture simpliste, il serait bon de relire ses lignes du fondateur du Parti communiste italien (PCI), Antonio Gramsci présentant les débuts du fascisme sous ses traits superficiellement subversifs :

« Le fascisme s'est présenté comme l'anti-parti, il a ouvert les portes à tous les candidats, il a offert à une multitude informe une façon de couvrir d'un vernis d'idées politiques vagues et nébuleuses le déchaînement sauvage des passions, des haines, des désirs.

Le fascisme est ainsi rentré dans les moeurs, il a fait corps avec la psychologie anti-sociale de certaines couches du peuple italien » (Ordine Nuovo, 26 avril 1921).

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