France : misère extrême, Mort de froid après une coupure d’énergie


Montpellier (Hérault), correspondance. En décembre, à Marseillan (Hérault), un homme est retrouvé chez lui, mort d’hypothermie. Faute d’avoir pu payer ses factures EDF, il venait de se faire couper l’électricité. Aujourd’hui, la famille tente de comprendre cet enchaînement fatal.

Le 11 décembre 2012, la gendarmerie de Florensac intervient au domicile d’un homme vivant à Marseillan (Hérault) et découvre le corps sans vie de Jean-Baptiste Bessière, cinquante-deux ans. « Les gendarmes m’ont affirmé qu’il était mort d’hypothermie depuis quatre à dix jours », explique Martine Bessière, la sœur du défunt. Il semble qu’il ait été victime d’une gastro-entérite foudroyante provoquant un malaise. Mais la question demeure : comment peut-on mourir de froid chez soi, dans la France du XXIe siècle ?


Atteint d’une hépatite C, il luttait contre la maladie

Si Jean-Baptiste s’est réfugié dans la maison familiale de vacances, c’est qu’il a eu un parcours cabossé par la vie. Ce fils de résistant était un homme de la mer qui a transporté de beaux voiliers sur les océans du globe. Il luttait aussi ardemment contre l’hépatite C qui le rongeait. « Il voyait venir la mort », se souvient Martine. Alors, quand, en janvier 2012, le CHU de Montpellier lui propose un nouveau protocole expérimental, avec 80 % de guérison, Jean-Baptiste n’hésite pas. Ce traitement digne d’une chimiothérapie ne lui permet pas de poursuivre son CDD sur des chantiers navals d’Agde. Il se retrouve en arrêt de travail.

En mai dernier, Martine passe quelques jours avec son frère, réalise son état médical et prend conscience de « sa misère financière ». « Je lui donne un bon coup de main. En juin, sa santé remontait et il avait un projet professionnel de bateau-taxi. » Ensemble, ils entament des démarches avec les services sociaux. Refusant de s’adresser aux services de Marseillan pour préserver sa dignité, il préfère être suivi à Agde par le conseil général. « C’est vrai qu’il ne nous avait pas parlé de sa situation dès le début », confie Pierre, un copain.

La priorité est de répondre aux relances d’EDF pour éviter la coupure. Jean-Baptiste sollicite le Fonds de solidarité pour le logement (FSL). Au bout de six mois d’arrêt de travail, la caisse primaire d’assurance maladie de l’Hérault recalcule ses droits et se rend compte d’une erreur qui suspend les paiements. Jean-Baptiste se retrouve sans ressources. En octobre 2012, le conseil général donne sa réponse pour le FSL : c’est non. Le motif ? 

« L’absence totale de ressources ne vous permet pas de faire face à l’ensemble des charges relatives au logement. » 

La collectivité se refuse à toute communication arguant qu’une enquête de gendarmerie est en cours. « Je croyais que les assistantes sociales allaient le prendre en charge, mais ça n’a pas été le cas », explique Martine. Le dossier de Jean-Baptiste semble s’être perdu. « J’ai appelé plusieurs fois et une personne a fini par me dire : “Ce n’est pas notre faute si personne ne veut rester sur ces postes.” » Pierre raconte : « Il m’a dit que c’était réglé et que l’assistante sociale allait payer la moitié sous forme de prêt et qu’il se débrouillerait avec EDF pour le reste. »

Mais rien n’y fait, le 21 novembre 2012, l’électricité est coupée chez Jean-Baptiste. EDF rappelle que la procédure a été respectée. À savoir, les courriers de relance et le déplacement d’un technicien ERDF au domicile qui a l’obligation de sonner et de voir s’il y a quelqu’un : « On ne peut pas couper si on n’a pas eu de contact avec la personne. S’il n’est pas là, le technicien diminue la puissance. Mais là, il était forcément là et a ouvert sa porte », explique le fournisseur d’énergie. Martine reste sceptique : « Le terrain fait 1 000 mètres carrés et mon frère habitait une bâtisse au fond. Il n’y avait pas de sonnette et vous avez beau hurler au portail, au fond, on n’entend rien. » Seule l’enquête préliminaire de la gendarmerie fera la part des choses. De même, il reviendra au procureur de la République de qualifier la plainte de Martine.


Un virement de la CPAM arrive, mais trop tard

Ironie du sort, la CPAM a fait un virement à Jean-Baptiste le 29 novembre 2012 de 1 456,45 euros. Ce qui lui aurait permis de payer les 643,38 euros réclamés par EDF. Martine analyse la situation : « Ça aurait pu arriver n’importe où en Europe. Ce continent vient de passer soixante ans sans guerre, mais la guerre économique, elle, est bien présente. C’est la machine sociale qui est en panne ! » Aujourd’hui encore est resté collé sur l’écran d’ordinateur de Jean-Baptiste un Post-it rose où il avait écrit en majuscules : « LA VIE ».


La loi Brottes en suspens. Adoptée le 11 mars dernier, la loi dite « Brottes » prévoit l’élargissement des tarifs sociaux de l’énergie à 4 millions 
de foyers et applique à tous la trêve hivernale. Elle met également en place, au 1er janvier 2015, un mécanisme controversé 
de bonus-malus pour pénaliser les gros consommateurs. 
Les députés Front de gauche, y voyant une atteinte au principe 
de péréquation tarifaire, ont combattu cette mesure et voté contre ce texte. Tout comme l’UMP qui a saisi le Conseil constitutionnel.

La précarité énergétique explose en France
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Nicolas Séné

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