Un avant et un après Notre Amérique de José Martí
Martí n’a pas été le seul à mettre en alerte sur le danger de l’expansionnisme étasunien, mais il a été le seul à faire une distinction entre l’expansionnisme de l’état, des monopoles, du pouvoir militaire et le peuple des États-Unis.
José Marti
Interviewé par Prensa Latina à
l’occasion du 160 è anniversaire de la naissance de José Martí, ce 28
janvier 2013, ce professeur panaméen qui a eu l’occasion
d’étudier à Cuba la vie et l’oeuvre de l’Apôtre, réfléchit sur le
développement de sa pensée et sur son actualité.
Cuba -signale-t-il- a été la dernière
colonie à obtenir son indépendance de l’Espagne et l’on se demande
pourquoi une société qui avait soutenu un régime
d’exploitation humaine aussi arriéré et brutal que l’esclavage, a
produit la pensée sociale la plus avancée de l’Amérique Latine.
"L’on pourrait dire que Cuba
synthétise dans son histoire, celle de l’Amérique de Martí. Le mystère
cubain de l’indépendance tardive est aussi celui de la formation
nationale la plus complexe, la plus difficile et en même temps, la
plus achevée et irréversible du XIXè siècle ".
José Martí,-ajoute-t-il- est un homme
qui meurt à 42 ans, mais qui laisse une oeuvre recueillie en 24 tomes,
dans laquelle il n’y a pas une seule page qui ne
sois pas cubaine.
"Cette cubanité n’est pas définie
depuis Cuba de façon isolée, mais depuis Cuba en Amérique, car comme le
voyait Cintio Vitier, il l’établit comme une réalité
en elle-même mais pas en contre position avec l’Amérique ".
"Cette Amérique Latine pensait par et
depuis José Martí, a toujours été à la fois une et très diverse et ce
lien avec Cuba et celui de Cuba avec
l’Amérique émerge de l’exercice de la construction intellectuelle
d’un homme qui a beaucoup imaginé mais depuis la pratique et la
compréhension de l’histoire pas comme un devenir
imposé à la personne, mais comme un processus construit par cette
personne elle-même ".
Guillermo Castro Herrera se demande
pourquoi un homme ayant de telles caractéristiques a fait ces choses à
ce moment là et pas à un autre. Il invite à regarder
Martí comme un Cubain et un Américain à un moment spécifique de Cuba
et de l’Amérique, ce dont il avait pleinement conscience.
Ce spécialiste panaméen estime que
Martí fait partie d’une génération de jeunes latino-américains qui mûrit
au même moment où les formes les plus réactionnaires
adoptées par l’état libéral latino-américain, durant le dernier
quart du 19è siècle, leur refuse la possibilité de se penser comme
patrie, comme pays, comme société en liberté.
Cette jeunesse considère Martí, pas
seulement comme un individu génial en lui même, mais comme un pionnier
parmi ses égaux, comme un porte parole depuis le fleuve
Bravo jusqu’à la Patagonie. À travers Martí, parle la génération qui
entame la lutte contre l’état libéral anarchiste, qu’ils ne veulent pas
et qu’ils veulent laisser derrière.
"Ce n’était pas possible d’être ce
porte parole depuis un autre pays que Cuba, l’unique en Amérique Latine
qui n’avait pas un État national ". Ça ne vaut pas la
peine d’aborder cela en détail dans cette interview -explique
l’interviewé, qui ajoute: Je dirais qu’à travers Martí, un dialogue se
produit entre Cuba et l’Amérique Latine, dans lequel
l’une et l’autre apprennent, se parlent, se critiquent, se
regardent, ce qui permet que dans le cas de Cuba, la lutte pour
l’indépendance dépasse l’objectif de l’état national
indépendant..
Il faut voir- précise le professeur-
la formation de l’état indépendant comme un moyen, pas une fin, pour
créer une société qui épargne à son peuple le grand
désastre qu’a été le cycle de guerres civiles et d’instabilité au
sein de la société latino-américaine.
"Dans cette relation de José Martí
avec L’Amérique Latine et de celle-ci avec Cuba à travers Martí, on
arrive à comprendre les points de convergence et les
différences entre les guerres de 1868 et de 1895. Si la première a
été la dernière guerre d’indépendance en Amérique Latine, la seconde a
été la première de libération nationale ".
"La différence entre une
guerre d’indépendance et une guerre de libération nationale est celle
qu’il y a entre le 19 et le 21è siècle. Comment Martí a-t-il
pu synthétiser un processus tellement complexe et le faire à un
moment très particulier ".
Lorsque l’on lit Martí depuis
l’Amérique Latine, on voit comment son oeuvre est structurée en termes
de la géographie morale et politique qui y jaillit autour
d’un axe central, lequel est l’essai Nuestra América, Notre
Amérique, publié en 1891- explique ce spécialiste panaméen.
On peut dire que l’Amérique Latine a
un avant et un après cet essai. La région était une avant et elle a
commencé à devenir ce qu’elle est après cet essai. On ne
pourrait jamais exprimer avec la clarté due, la portée de ce texte.
"J’ai proposé à plusieurs reprises et
je profite de cette interview pour le réitérer que le jour de la
publication de Notre Amérique, le 28 janvier 1891,
devrait être considéré comme la Journée de l’Identité Nationale
Latino-américaine ".
"Aucune autre région sur la planète
ne dispose d’un document comme celui-là. Il y a d’autre sociétés avec de
grands documents d’affirmation, mais que je sache, il
n’y a aucun autre document d’affirmation d’une région aussi multiple
et diverse, qui synthétise de la façon dont le fait Nôtre Amérique et
qu’il le face en plus avec cet accent aussi
profondément critique vers l’intérieur et vers le monde. Notre
Amérique est un document d’une audace extraordinaire ".
Notre Amérique- ajoute ce spécialiste
panaméen, alerte sur les dangers de l’expansionnisme étasunien, que
nous Panaméens avons souffert lorsque nous nous sommes
constitués en peuple, en nation, en Etat national et qui s’est
traduit dans une lutte d’un siècle contre l’enclave colonial étasunien
".
"Le
plus étonnant ce n’est pas cela, car Martí n’a pas été le seul à mettre
en alerte sur le danger de l’expansionnisme
étasunien, mais il a été le seul à faire une distinction entre
l’expansionnisme de l’état, des monopoles, du pouvoir militaire et le
peuple des États-Unis. Chez Martí, il
n’y a jamais eu de haine, même pas contre les Espagnols ".
RADIO HAVANE CUBA
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