Chavez : premier d’une vague progressiste déferlant en Amérique du Sud


En arrivant au pouvoir en 1998 au Venezuela, Hugo Chavez a inauguré une vague de fond qui a permis l’émergence et l’affirmation de gouvernements progressistes en Amérique du Sud. Argentine, Brésil, Equateur, Nicaragua, Salvador, Bolivie, Uruguay, Paraguay, Pérou... Le continent vient pourtant « de loin », véritable laboratoire du néo-libéralisme dans les années 1980-1990 pour ne parler que de l’histoire récente. Privatisation de tous les secteurs d’activité et des richesses nationales et corruption font exploser la pauvreté et les inégalités, excluent des pans entiers de la société, le tout sur fond de dictatures, de coups d’Etat, de main mise des Etats-Unis et des institutions internationales. En 2002, l’Argentine affichait même la banqueroute de son Etat.


Les courants progressistes ont des spécificités mais aussi des points communs. Ils interrompent les privatisations. Ils multiplient les dépenses publiques : par deux en moyenne, jusqu’à trois au Venezuela. L’Uruguay créé un plan d’urgence social, le Brésil des bourses familiales, l’Argentine l’assignation universelle aux enfants... Ils investissent dans le logement, l’éducation : l’analphabétisme recule et les favelas toujours présentées comme une fatalité par les gouvernements de droite, aussi.

Au final, 80 millions de personnes sont sorties de la pauvreté. Les salaires augmentent, une classe moyenne émerge faisant tourner un marché intérieur que l’on n’hésite pas à protéger comme au Brésil où les importations de voitures en provenance de Chine sont taxées à 30%. Certains vont même jusqu’à s’attaquer à la charge de la dette, l’Equateur la réduisant de 3,2 milliards de dollars en prouvant qu’une partie était illégitime. Ils s’attaquent même aux retraites, la Bolivie faisant passer l’âge légal de départ de 65 à 58 ans tandis que le Brésil passe d’un système par capitalisation à un autre par répartition. Bref, « ces gens » font tout ce qui est présenté en Europe comme impossible. Le tout pour une croissance certes moins forte (3% en 2012, 6% il y a deux ans), mais toujours là.

Bien sûr, tout n’est pas idyllique. Les forts mouvements sociaux qui ont permis cet accès au pouvoir se révoltent, des attentes sont déçues notamment pour les populations indigènes. Mis à part le Venezuela qui a procédé à des nationalisations et une distribution des terres, l’économie de marché n’est pas remise en cause, il n’y a pas eu de réformes structurelles et les améliorations sont souvent uniquement liées à des dépenses publiques qui peuvent baisser ou disparaître avec une crise ou un changement politique. La crise écologique n’est pas toujours prise en compte et les mouvements sociaux et indigènes sont sévèrement réprimés quand ils se mobilisent sur cette question.

Il n’empêche que les modèles développés mériteraient d’être regardés autrement... qu’avec de la condescendance.

Angélique Schaller
*****
Président non-aligné 
En remportant l’élection présidentielle de 1998, Hugo Chavez a donné le ton sur la possibilité d’une alternative politique (lire ci-dessus). Une place que tenait jusque-là Cuba – un peu seul. Un mouvement progressiste sur des politiques de gauche s’est créé ensuite à partir de programmes d’intégration politique et territoriale en Amérique latine (Alba, Unasur...).
 Basées sur l’anti-impérialisme, des relations se sont nouées avec des dirigeants étrangers qui n’avaient, eux, rien de progressiste : le Libyen Muammar Kadhafi, le Syrien Bachar al-Assad ou le président iranien Mahmoud Ahmadinejad.
Il s’agit là du principal bémol que l’on peut évoquer dans la politique extérieure de l’ancien président ; le paradoxe majeur de l’anti-américanisme sur fond de recul des forces organisées de gauche après la chute du Mur de Berlin.
Chavez a choisi de tisser des relations selon un nouvel axe international, en dehors des Etats-Unis et de l’Europe. Au nom de la souveraineté des peuples à disposer d’eux-mêmes et de la lutte contre les discours dominants. Il n’aura pas souvent pris le temps (la question ne lui a pas souvent été posée non plus) de s’expliquer sur les raisons de telles relations.

Sébastien Madau

3mars 2013

Commentaires

  1. comme quoi l'hégémonie du libéralisme n'est pas fatale ! mais si ces gens sortent de la pauvreté, c'est qu'ils se battent au lieu de se soumettre, fût-ce en s'indignant ...

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