Everest : la révolte des sherpas


C'est grâce au travail des sherpas et à leur connaissance de la montagne que les alpinistes réussissent à vaincre "le Toit du Monde". Ce que semblent oublier bon nombre d'alpinistes soucieux avant tout d'exploits et de gloire personnelle,c'est que l’Himalaya est le domaine d'un peuple qui était là avant eux. Il ne suffit pas de dire, comme tout bon colonialiste, que les expéditions ont amélioré le niveau de vie des sherpas, il faut aussi voir à quel prix et à quelle conditions.

Les récits de l'incident survenu le 29 avril au pied de l'Everest varient selon les quotidiens certains ont tendances à minimiser l'avertissement des sherpas et à excuser l'attitude des alpinistes.

pourtant :

Selon un témoin américain, sous couvert d'anonymat, tout a commencé lorsque des guides népalais ont demandé à Steck et Moro d'attendre qu'ils aient préparé des cordes pour commencer l'ascension.

La cause de la bagarre ? Des consignes non respectées

Prenant une voie gardée secrète, ces passionnés souhaitaient atteindre leur objectif culminant à 8 848 mètres. N'entendant que leur ambition verticale, les trois alpinistes ont alors ignoré les consignes de sécurité des sherpas.

"Les sherpas leur ont demandé de ne pas les précéder avant qu'ils aient réglé les cordes mais ils n'en ont fait qu'à leur tête. Ensuite, de la glace est tombée et a touché les sherpas, ce qui les a énervés", raconte le témoin.

Au cours de la journée, une foule furieuse de Népalais a fondu sur les tentes des alpinistes qu'ils ont arrosées de pierres jusqu'à ce que leurs occupants en sortent. Dès lors, une bagarre a éclaté. Coups de pied et de poings ont été échangés, les obligeant à prendre la fuite. (Sud Ouest)


En fait les sherpas travaillaient à sécuriser un passage sur la pente raide pour de futurs clients. Ils ont demandé aux alpinistes d'attendre que les cordes soient fixées avant de continuer leur ascension afin d'éviter de mettre les sherpas en danger.

Les Héros de l'Everest

Les nombreux récits d'expéditions sur l'Everest témoignent abondamment de la force, de la bravoure, de la détermination, du dévouement et de la loyauté des Sherpas sur cette montagne. Le peuple sherpa est étroitement associé à l'histoire de l'Everest. Ce sont les Sherpas qui, à chaque année, escaladent la montagne pour installer les camps et les cordes fixes qui guident les alpinistes vers le sommet. Ils installent les échelles qui servent de ponts pour franchir les crevasses sur le glacier. Ils acheminent le matériel des alpinistes de camp en camp, traversant à de nombreuses reprises la dangereuse cascade de glace. Exerçant pour la plupart des rôles effacés, mais non moins importants, ils sont peut-être les plus grands héros de l'Everest. Loyaux envers ceux qui les emploient, ils ont la réputation de ne jamais hésiter à porter secours aux grimpeurs en danger, même au risque de leur vie. Les Sherpas ont payé un lourd tribut à l'Everest. Ils comptent pour le tiers des décès survenus sur la montagne.(Zone Himalaya)

En 2007, le nombre de personnes ayant atteint le sommet s'établissait à 3 681 tandis que le nombre de personnes y ayant trouvé la mort atteignait 210. On estime à environ 120, le nombre de dépouilles restées sur la montagne.

En 2007, 514 personnes réussissaient le sommet. Dans la seule journée du 23 mai 2008, 75 grimpeurs atteignaient le sommet par la face népalaise de la montagne (un record).

Entre 1953 et 1995, 50 tonnes de déchets de plastique, de verre et de métal ont été laissées sur place par des alpinistes bien peu soucieux des traces de leur passage sur l'environnement. Le col sud était, dit-on, un cimetière de bouteilles à oxygène et le camp II, une décharge de barils de fuel.

Témoignage : l'exploitation des sherpas


Bien que les Sherpas soient réputés pour être particulièrement forts et résistants aux conditions extrèmes (exposés à une haute altitude depuis des générations, ils auraient développé des mécanismes physiologiques d’acclimatation et une capacité pulmonaire accrue), force est de constater que les conditions dans lesquelles ils exercent leur métier sont parfois allarmantes. Equipement rudimentaire et inadapté, charges sur le dos pouvant atteindre facilement 50 à 60kg (alors que la charge maximale préconisée par le règlement ne doit pas dépasser 30kg), le tout pour un salaire ne dépassant pas 300 à 500 Roupies par jour (bien que celui-ci soit largement supérieur au revenu moyen au Népal), il n’est pas possible de nier l’exploitation dont ils font parfois l’objet. 

Beaucoup de porteurs ne sont pas équipés convenablement pour travailler dans la neige et sur les glaciers. Ce sous-équipement de protection engendrent chez certains porteurs des problèmes ophtalmologiques sévères, des gelures aux pieds et aux mains, des hypothermies, sans oublier un manque de sensibilisation au mal des montagnes, autant de blessures qui faute de soins, peuvent handicaper les porteurs à vie. Sans travail, ils deviennent une charge supplémentaire pour des familles dont l’équilibre est déjà fragile. 

Nous avions été choqué de voir la plupart des porteurs chargés comme des mules, qui portaient facilement deux backpacks chargés à ras-bord, en plus de leurs affaires personnelles, et chaussés uniquement d’une paire de sandales tandis que leurs touristes se promenaient tranquillement avec un petit sac sur le dos, leur équipement technique dernier cri et un appareil photo autour du cou. Lorsque nous tentions d’aborder le sujet avec ces touristes, le principal argument qui ressortait était “que c’était grâce au travail et à l’argent apporté par le tourisme que les porteurs pouvaient vivre…”. Cet argument, nous l’avons entendu à plusieurs reprises, sauf que pour nous, il ne faisait qu’éviter le problème derrière une satisfaction morale de pouvoir donner du travail alors qu’en réalité, il s’agit bien d’un cas de conscience et d’une atteinte à la dignité des porteurs. 
Avant notre voyage au Népal, nous n’avions pas vraiment conscience de cette situation et de retour en France, nous avons tenté de nous documenter sur la question, et nous nous sommes rendus compte qu’il commençait à y avoir une prise de conscience de cette situation grâce à des associations qui revendiquent de meilleures conditions de travail pour les porteurs. Aujourd’hui, ces associations de défense des droits de porteurs existent à Katmandou et aident les porteurs à différents niveaux (cours gratuits de langues étrangères, de secourisme, mise à disposition d’un équipement de haute montagne, etc.) permettant de réaliser des progrès visibles au fil des ans. Il existe également un groupe international pour la protection des porteurs, dont le site internet regroupe pas mal d’informations sur la question. (Destinaterre)
Il y a là, comme on le voit, matière à être beaucoup plus "qu'énervés"... Ce mépris de la santé, de la vie, de la dignité des sherpas a atteint ses limites. Dommage pour les responsables d'excursions qui ne font que craindre que cela donne une mauvaise image du Népal en occident et se soucient peu de l'image que donne l'occident au peuple des sherpas et à tous les peuples himalayens.


Maryvonne Leray

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