Notre-Dame-des-Landes : Sème ta ZAD pour les opposants et une copie à refaire pour le gouvernement



Pelles et pioches en main, ils plantent et sèment. Plusieurs centaines de manifestants ont entamé samedi sous la pluie une manifestation de remise en culture des terres sur la zone d'aménagement différé (ZAD), destinée au projet controversé de l'aéroport de Notre-Dame-des-Landes.


Les manifestants, de tous âges, étaient invités à se rassembler en deux points, au nord et au sud de la zone, munis d'outils de culture et/ou de semences, puis à converger en deux cortèges vers le centre de la zone, où des lieux à remettre en culture ont été préaménagés. Dans le cortège au sud de la Zad, une fanfare avec des musiciens portant des masques d'animaux suivait une banderole proclamant "Sème ta Zad, occuper, cultiver, résister".


Une copie à refaire


L'"Ayraultport", ainsi rebaptisé par les opposants, n'accueillera pas d'avion à la fin 2017, prévision du scénario initial.

Les recommandations formulées, mardi 9 avril, par la commission du dialogue, installée par le premier ministre fin novembre 2012, conduisent à modifier substantiellement le projet et appellent de nouvelles études qui devraient prendre plusieurs mois.


"NOUS ENTRONS DANS UNE NOUVELLE PHASE D'AMÉLIORATION"

Les deux autres commissions créées simultanément, celle d'experts scientifiques sur la "méthode de compensation des incidences sur les zones humides" et celle sur "l'expertise de l'impact sur l'agriculture", ont aussi émis de sérieuses réserves, dans leurs rapports rendus publics le même jour.

Pour autant, le premier ministre a aussitôt réaffirmé "son attachement à poursuivre la conduite de ce projet", en demandant à son ministre délégué aux transports, Frédéric Cuvillier, "de prendre en compte les recommandations des commissions".

Le président de la commission du dialogue, Claude Chéreau, a réussi l'exploit de satisfaire le camp des partisans et celui des opposants au futur Aéroport du Grand Ouest (AGO). Jacques Auxiette, président socialiste de la région Pays de la Loire, voit dans ses conclusions la "confirmation" que "le projet est pertinent et utile". "Nous entrons dans une nouvelle phase d'amélioration et d'approfondissement", annonce-t-il.


"ÉVALUER LES COÛTS DE RÉAMÉNAGEMENT DE NANTES ATLANTIQUE"

De leur côté, les opposants estiment que les nouvelles études réclamées par les trois commissions conduisent à un report "sine die" du projet. "Je suis satisfait, la copie est à revoir intégralement et le report est inévitable", a déclaré sur France Info le vice-président Europe Ecologie-Les Verts (EELV) de la région Pays de la Loire, Jean-Philippe Magnen. Pour le président de la fédération régionale de France Nature Environnement, Yves Lepage, "cela conduit à abroger la déclaration d'utilité publique".

Comment expliquer cette satisfaction générale ? La commission, qui a procédé à plus de deux cents auditions, ne remet pas en cause la nécessité de transférer le trafic aérien de Nantes Atlantique, l'actuelle plate-forme aéroportuaire, à Notre-Dame-des-Landes, à une vingtaine de kilomètres au nord de l'agglomération nantaise. Mais, dans le même temps, elle soulève de nombreuses questions.

Elle estime tout d'abord qu'il convient d'anticiper la saturation annoncée de l'actuel aéroport. Et que sa restructuration – solution avancée par les opposants pour faire face à la hausse du trafic – "s'avérerait rapidement très difficile et vraisemblablement très onéreuse". Néanmoins, les rapporteurs recommandent que "les services de l'Etat approfondissent l'évaluation des coûts de réaménagement de Nantes Atlantique", une demande des opposants.


DIMINUER DE CENTAINES D'HECTARES L'EMPRISE DE L'AÉROPORT

S'ils valident les perspectives officielles d'augmentation du trafic d'ici à 2030, ils considèrent, en revanche, que l'hypothèse retenue de 9 millions de passagers à l'horizon 2050 est "davantage un objectif destiné à calibrer un projet" qu'une projection fiable.

La commission s'interroge ensuite sur l'avenir de la piste actuelle, dont le maintien est demandé par Airbus. Le réseau dense des aéroports voisins (Saint-Nazaire, Rennes...) doit, selon elle, être discuté dans le cadre d'un schéma régional aérien encore à préciser. Tout comme doivent être prises en compte les futures infrastructures de transport, comme le projet de tram-train, "encore hypothétique", destiné à relier Nantes à Notre-Dame-des-Landes, ou le TGV entre Rennes et Nantes, "dont les délais de réalisation sont inconnus".

La commission appelle aussi à diminuer de plusieurs centaines d'hectares l'emprise globale du futur aéroport et de sa zone d'activité, pour "réduire autant que possible les surfaces artificialisées ou neutralisées pour l'agriculture".


DE L'AVEU DES AUTORITÉS, LES TRAVAUX NE DÉBUTERONT PAS AVANT L'AUTOMNE

Les experts s'interrogent encore sur la méthode retenue pour compenser la destruction des zones humides, soit 98 % de la surface du futur aéroport. Les autorités proposaient d'évaluer les services rendus en termes de biodiversité, d'hydrologie, etc., sur une surface donnée et de les restituer sur un espace dont la taille pourrait être réduite. Sans condamner cette méthode dite de "compensation fonctionnelle", qui n'a jamais été expérimentée à grande échelle, les experts en critiquent les critères et les modes de calcul, et pointent les risques d'échec.

Dans ce contexte, de l'aveu même des autorités, les travaux ne débuteront pas avant l'automne, le printemps et l'été interdisant les déplacements d'espèces protégées entrées dans leur période de reproduction ou les travaux de déforestation nécessaires au démarrage du chantier.

On sera alors à quelques mois des élections municipales. Le sénateur (EELV) Ronan Dantec a déjà prévenu que, "plus que jamais, il serait suicidaire que les forces de gauche s'affrontent dans les prochains mois sur Notre-Dame-des-Landes". Il n'est pas sûr que François Hollande et Jean-Marc Ayrault prennent le risque de déclencher des opérations militaires délicates sur un terrain occupé par des centaines de "zadistes" (de ZAD, "zone à défendre") réfugiés dans des cabanes disséminées dans le bocage.



Commentaires

  1. Aucune rallonge budgétaire à Vinci

    À la tête du conseil général de Loire-Atlantique, Philippe Grosvalet, lui aussi, positive : « Ces réserves, il nous appartient de les lever. Nous voulons rendre ce projet exemplaire ». Quitte à réduire la surface de la plate-forme comme le suggère Gilles Retière, qui prône « un aéroport plus compact » ainsi qu'un « meilleur usage des terres agricoles, notamment au nord ». Reste à savoir comment Vinci réagira à ces éventuelles modifications et, surtout, aux surcoûts qu'elles seraient susceptibles de générer. Du côté des collectivités, en tout cas, Jacques Auxiette est très clair, il n'accordera aucune rallonge budgétaire supplémentaire au concessionnaire.

    RépondreSupprimer

Enregistrer un commentaire

Posts les plus consultés de ce blog

Le discours intégral d'Angela Davis à la marche des femmes (français et anglais )

PLAIDOIRIE DE GISÈLE HALIMI AU PROCÈS DE BOBIGNY (extraits)

Le Génocide des indiens du Brésil