Nuit de cristal au Venezuela
par
Romain Mingus
Romain Mingus, un ami français qui vit au Venezuela depuis plusieurs années m’expédie ces photos et cet article. je crois que si Romain parle d’une nuit de cristal il sait par ses origines de quoi il s’agit, il vous demande à tous de transmettre ces photos et ce récit pour vaincre le silence complice des médias.
Danielle
Bleitach
Caracas,
le 17/04/13
Il
avait pourtant clairement annoncé la couleur. Le 9 avril, cinq jours
avant l'élection présidentielle, Henrique Capriles déclarait : «
je ne suis pas le même que le 7 octobre, je défendrai les votes
»[1]. Dès le lendemain, le président de l´Assemblée Nationale,
Diosdado Cabello, présentait sur la chaine publique des preuves
confirmant les intentions de la droite de contester les résultats
électoraux afin de tenter un coup d´Etat coloré au Venezuela[2].
Au soir des élections, malgré une différence de 272.865 votes[3]en
faveur du candidat socialiste Nicolas Maduro, le candidat de la
droite refuse d´admettre sa défaite. Pourtant, tous les
observateurs internationaux insisteront sur la transparence des
élections vénézuéliennes. Vicente Diaz, un des recteurs du Centre
National Electoral (CNE), ouvertement lié aux partis d´opposition
affirmera n´avoir « aucun doute sur le résultat de l'élection
»[4]donnant comme vainqueur l'héritier d'Hugo Chávez.
Voilà
bien la seule promesse que le candidat de la droite aura tenu.
Oubliée la rhétorique d´union, de paix et de sécurité qu´il
vociférait encore une semaine auparavant. Il appelle ses partisans à
se mobiliser afin d´obtenir un audit total des résultats. Curieuse
manière démocratique de l´obtenir que d'envoyer les ultras de la
droite prendre les rues du pays. La loi électorale vénézuélienne
est pourtant très claire. Elle oblige les candidats à remettre au
CNE des preuves de fraude, et dans le cas où celui-ci les rejette,
un appel est possible par le Tribunal Suprême de Justice. Aucune
démarche administrative n´a été engagée. Il est vrai que ces
accusations ne résistent pas au fait que les membres de l´opposition
désignés pour superviser les bureaux de vote ont tous donné leur
aval aux résultats dans leur centre électoral respectif[5].
Qu'importe, le but recherché n´est pas de renforcer la démocratie
électorale mais bien de lancer un coup d´Etat soft dans le meilleur
style des précédents en Serbie, Géorgie, Ukraine, Iran, etc. Les
jeunes néofascistes qui, aujourd'hui, mettent le pays à feu et à
sang ont pour la plupart été formés en Serbie par le groupe Otpor,
et se revendiquent des techniques de l´Albert Einstein Institution,
matrice idéologique des Révolutions colorées[6].
Dès
l'annonce de Capriles, des groupuscules néofascistes déferlent
dans les rues du pays. Des symboles du chavisme sont détruits, des
militants attaqués et assassinés, des petits commerces sont
saccagés et brulés. On dénombrera 7 morts et 61 blessés, par
balles pour la plupart. Cinq sièges régionaux du Parti Socialiste
Uni du Venezuela (Psuv) sont dévastés par les flammes, tout comme
douze cliniques populaires où officient des médecins cubains.
Dans
l'Etat du Lara, où le gouverneur Henri Falcon est aussi le chef de
campagne de Capriles, la police régionale à ses ordres ne fait rien
pour empêcher la déferlante de haine. Dans la nuit, une grand-mère
m´appelle de Barquisimeto, la capitale régionale :
« je suis barricadée dans la buanderie avec ma sœur, des personnes sont en train d´essayer de défoncer la porte ».
Par la petite lucarne qui
la relie au monde extérieur, elle verra ses propres voisins, torches
en main, aller brûler la clinique publique du quartier située en
face de la maison. D'autres camarades nous témoigneront de scènes
semblables qu'ils ont vécu, eux et leurs familles. Ils ne feront
pas la une des journaux, et pourtant ils sont très nombreux à avoir
été agressés de la sorte par les hordes fascistes.
Le
président de la République Bolivarienne du Venezuela, Nicolas
Maduro, appellera ses partisans outragés au calme, à ne pas faire
le jeu de la violence et à laisser la police et la garde nationale
rétablir l'ordre. A Capriles, il lui lance: «si tu ne me reconnais
pas comme président, je ne te reconnais pas comme gouverneur de
Miranda ». Ultimatum logique puisque les règles de l'élection de
Capriles, en décembre dernier, furent exactement les mêmes que
celles qui ont permis á Maduro d´être élu président.
Le
bras de fer est engagé, et ne semble pas tourné en faveur de
l'ancien candidat de la droite. La plupart des dirigeants mondiaux
ont reconnu Maduro comme le nouveau président du Venezuela : les
pays latino-américains dont les gouvernements de droite de Colombie,
du Chili et du Mexique ; les Brics (Brésil, Russie, Inde, Chine,
Afrique du Sud), plusieurs pays d´Afrique certains pays européens
comme l´Espagne.
Les
Etats-Unis refusent toujours de reconnaître la légitimité du
processus démocratique vénézuélien.
L´armée
vénézuélienne a reconnu Nicolas Maduro comme son nouveau « chef
des armées », tâche qui incombe au président de la République,
et a réitéré son engagement à préserver la paix et la sécurité.
Par la voix de Wilmer Barrientos, chef du Commandement Stratégique
Opérationnel, elle a invité les vénézuéliens à respecter les
lois et les règles de la démocratie[7].
Même
si la droite compte maintenir sa stratégie de tension en envoyant
les mêmes groupes vêtus du rouge chaviste pour faire porter la
responsabilité des violences au gouvernement, le spectre d'un coup
d´Etat soft parait être écarté. Nicolas Maduro sortira renforcé
de cette épreuve de force.
En revanche, les messages de paix et
d´union de Capriles ont volé en éclat. Des personnes ont été
assassinées, blessées ou maltraitées pour avoir commis l'outrage
de ne pas se reconnaître dans le discours du responsable des
violences actuelles au Venezuela. Les masques tombent et le fascisme
a désormais un visage.
NOTES
[1]Capriles:
Yo no soy el mismo del 7 de octubre, voy a defender los votos de toda
Venezuela, Dailymotion, 09/04/13.
http://www.dailymotion.com/video/xyvf8j_capriles-yo-no-soy-el-mismo-del-7-de-octubre-voy-a-defender-los-votos-de-toda-venezuela_news#.UW6a4EpArVU
(source consultée le 17/04/13).
[2]
Capriles Radonski prepara otro golpe, no va a reconocer los
resultados de la victoria del Pueblo y Nicolás Maduro. Así lo
denuncia Diosdado Cabello, Presidente de la Asamblea Nacional,
Youtube, 10/04/13. http://www.youtube.com/watch?v=-6Lrameqo-I,
(source consultée le 17/04/13).
[3]
Voir les résultats officiels sur le site web du CNE,
http://www.cne.gob.ve/resultado_presidencial_2013/r/1/reg_000000.html
(source consultée le 17/04/13).
[4]
“Rector Vicente Díaz: No tengo dudas del resultado arrojado por el
sistema electoral”, Agencia Venezolana de Noticias, 15/04/13.
http://www.avn.info.ve/contenido/rector-vicente-d%C3%ADaz-no-tengo-dudas-del-resultado-arrojado-sistema-electoral
, (source consultée le 17/04/13). Le 12 février 2009, le recteur
Diaz faisait un déjeuner politique avec le secrétaire général
d´Acción Democratica. Voir : Pillao Ramos Allup con Vicente Diaz,
Youtube, 12/09/09. http://www.youtube.com/watch?v=92ZVbTR0dHo(source
consultée le 17/04/13).
[5]
“Publicarán este miércoles actas de votación con las firmas de
la oposición”, Sistema Bolivariano de comunicación e información,
16/04/13.http://www.sibci.gob.ve/2013/04/publicaran-este-miercoles-actas-de-votacion-con-las-firmas-de-la-oposicion/
(source consultée le 17/04/13)
[6]
Voir sur le blog de l´organisation d´extrême droite Juventud
Unidad de Venezuela :
http://javunida.blogspot.com/2009/11/enlace-libro-de-la-dictadura-la.htmlet
Eva Golinger, « Huelguistas en Venezuela “Made in USA” »,
Correo del Orinoco, 20/02/13,
http://www.correodelorinoco.gob.ve/nacionales/huelguistas-venezuela-made-in-usa/
[7]
“Wilmer Barrientos: FANB continuará en las calles garantizando la
paz del pueblo”, Agencia Venezolana de Noticias, 16/04/13.
http://www.avn.info.ve/contenido/barrientos-deplora-violencia-derecha-e-insta-aceptar-juego-democr%C3%A1tico
(source consultée le 17/04/13).
Commentaires
Enregistrer un commentaire