L'Hyper Pape
C'est pour mieux te manger, mon enfant.
Il
ne faut pas se laisser piéger par une surinterprétation des signes
donnés par le nouveau pape« Pour beaucoup de catholiques et de non
catholiques, être “social”, c’est être progressiste et
libéral. Le pape François ne rentre pas dans ce cadre. Avec lui,
c’est l’idéal de Frédéric Ozanam (dont nous célébrons le
bicentenaire de la naissance) qui passe aux commandes : un
christianisme à la fois pieux et fortement engagé auprès des
faibles, des pauvres et des exclus (...) François est sans doute
encore plus radical que Benoît, même si son appétit pastoral et sa
bonne humeur tempèrent ces convictions corsées. »
En
une cinquantaine de jours, François a multiplié gestes et paroles.
Une hyper activité dont se félicitent les médias, au service d'un
message radical qui secoue les catholiques
Il
y a eu l’hyperprésident qui bougeait sans cesse, créant l'émoi
tous les jours, (voire plusieurs fois par jour) à coups de
provocations ou d’effets d’annonce. J’ai envie de parler
d’hyper pape quand je pense à François, même si la comparaison
est abusive, car Jorge Mario Bergoglio n’est pas un politique qui a
besoin du buzz pour exister. Sa communication ne doit rien à une
stratégie mûrement définie pour occuper le terrain. Il n’empêche
qu’en l’espace d’une cinquantaine de jours, l’accumulation de
gestes et de paroles est stupéfiante. Lors du précédent Conclave,
en 2005, il nous avait fallu beaucoup de temps pour connaître la
couleur du pontificat. Là, il me semble qu’en deux mois à peine,
nous avons de sérieuses clés en main pour comprendre où nous
allons. La réforme de la Curie, si attendue, est déjà sur les
rails et promet un gros changement culturel en matière de
gouvernance. Pas de doute non plus, le pontificat s’annonce sous
une forte dimension pastorale et sociale alliée au maintien d’une
affirmation missionnaire et doctrinale.
Ceci
est déroutant. Pour beaucoup de catholiques et de non
catholiques, être “social”, c’est être progressiste et
libéral. Le pape François ne rentre pas dans ce cadre. Avec lui,
c’est l’idéal de Frédéric Ozanam (dont nous célébrons le
bicentenaire de la naissance) qui passe aux commandes : un
christianisme à la fois pieux et fortement engagé auprès des
faibles, des pauvres et des exclus. La lecture des textes du
cardinal Bergoglio (du temps où il était en Argentine) est
l’occasion de quelques coups de poing à l’estomac. Bergoglio n’y
va pas par quatre chemin pour fustiger la mondanité et l’hypocrisie
des croyants, dénoncer la tendance des catholiques à
“l’auto-référence”, parler du démon et du péché, pointer
le narcissisme de la société qui infecte l’Eglise, pointer du
doigt nos idoles. François est sans doute encore plus radical que
Benoît, même si son appétit pastoral et sa bonne humeur tempèrent
ces convictions corsées. Secouer le cocotier n’est pas aisé,
mais quand on descend de sa papamobile pour aller embrasser les bébés
et les handicapés place Saint Pierre, et que l’on appelle sans
cesse à la miséricorde et à la mission vers les périphéries de
l’Eglise, ça passe déjà mieux.
L’hyperpape
est hyperactif aussi bien par l’action que le verbe. Si Benoît
XVI était aussi tous les jours sur le pont, on le savait moins.
François donne l’impression qu’il réveille ses matelots au
clairon tous les matins. Il a besoin de contacts humains là où son
prédécesseur était un ermite contrarié. Là où la pensée de
Ratzinger se distillait au fil de discours et de textes rares,
l’hyperpapauté de Bergoglio se joue, au quotidien, dans une
profusion de sens, indexée sur son appétit relationnel, qui fait
penser à celui de Karol Woytyla.
Chaque
jour, ou presque, les journalistes ont leur pâture assurée... Le
paradoxe est amusant. Alors que Bergoglio n’a jamais caché sa
méfiance envers les journalistes avides de petites phrases et qui,
ensuite, instrumentalisent un propos en vue d’une polémique ou
d’un faux scoop, le pape argentin est un excellent client pour les
médias.
François
célèbre chaque matin la messe à la maison Sainte Marthe en
présence d’une petite assemblée - comme jadis Jean Paul II dans
la chapelle du palais apostolique, et ses courtes homélies
(apparemment improvisées) sont ensuite retranscrites et postées sur
le site de Radio Vatican. Pour le plus ou moins grand bonheur de
l’intéressé. Par exemple, il s’est ému de ce que les médias
aient sur-interprété ce qu’il a dit un jour au sujet de l’IOR,
la banque du Vatican. Les commentateurs avaient entendu dans sa
critique de la bureaucratie de l’IOR un indice qu’il souhaitait
la disparition de cette institution ! Il a fallu ensuite rectifier le
tir. L’homme n’est plus l’archevêque de Buenos Aires nommé
archevêque de Rome, mais un hypersymbole dont les mots sont scrutés,
amplifiés, analysés, tirés à hue et à dia par les médias.
Ratzinger le comprit à ses frais et dépens le 12 septembre 2006 à
Ratisbonne, lorsqu’il évoqua la violence au sein de l’islam.
Autre
trait caractéristique de l’hyper pape : un humour direct. François
a des côtés potache, et c’est sans doute le plus grand changement
d’avec Benoît. Il fait rire lorsqu'il rappelle que l’Eglise
n’est pas une baby sitter mais une mère. Ou qu’il invite les
religieuses à ne pas se comporter commes des vieilles filles ! Il
échange sa calotte avec tous ceux qui lui en présentent une
identique (et donc, cela se produit plusieurs fois lors d’un bain
de foule) : cette “fabrication” de reliques - la calotte a siégé
sur la tête du pontife l’espace au moins quelques minutes - est un
jeu humoristique et populaire, qui à la fois honore et se moque
gentiment du sacré papal. Alors, tu l'as eu, ta calotte ?
Nous
voilà donc embarqués pour un pontificat qui va nous réserver des
surprises. Bergoglio, que de nombreux témoins argentins décrivaient
comme usé à la veille du Conclave, semble galvanisé par l’Esprit
Saint. “Il a rajeuni de quinze ans” me confiait récemment un
prêtre de Buenos Aires. Mais l’hyperpapauté est un métier à
risques. Il faut tenir le rythme dans la longueur. Comme tout homme
de convictions, Bergoglio tourne sur une petite douzaine de thèmes
qui lui tiennent à coeur et qui commencent à revenir en boucle dans
sa bouche. C’est très utile pour enfoncer le clou. Mais si le
pontificat doit durer cinq ou six ans, François devra aussi
continuer à nous interpeller, et donc nous surprendre.
Blog
la Vie : Papascopie
Ajout
Pour
sa première prise de parole sur des sujets sociétaux, il a fait
preuve de continuité avec ses prédécesseurs. Il a demandé
dimanche "une garantie juridique de l'embryon", "pour
protéger tout être humain depuis le premier instant de son
existence".
Lors
de la prière du Regina Coeli, le pape, qui n'avait jamais parlé de
manière explicite de ces sujets sensibles, a aussi défini "la
défense de la sacralité de la vie humaine" comme un thème
central de "l'année de la foi", qui sera au centre d'une
cérémonie au Vatican les 15 et 16 juin.
Le
pape a également canonisé les premiers saints de son pontificat, un
Italien du XVe siècle, et ses 800 compagnons, martyrisés pour avoir
refusé d'embrasser l'islam.
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