Beppe Grillo a-t-il arnaqué les italiens ?


Expulsés en janvier dernier du Mouvement 5 étoiles pour avoir dénoncé sa dérive autoritaire, les conseillers bolognais Giovanni Favia et Federica Salsi parlent de Beppe Grillo. 

En février dernier, le Mouvement 5 étoiles (M5S) récoltait 25,5% de suffrages aux législatives. Pour certains, cette formation apolitique devait changer la donne politique en Italie en balayant une classe politique vieillissante et dévorée par les scandales de corruption. C’est du moins ce que promettait le leader et fondateur du mouvement, Beppe Grillo en se présentant comme le fer de lance d'un "printemps politique italien".

Trois mois après la victoire, le rêve s'est brisé. Les résultats du M5S la semaine dernière aux élections municipales partielles ont été désastreux. Du nord au sud en passant par le centre, le mouvement a perdu 50% de son électorat.

A l’origine de cette défaite cinglante, l’arrogance et la haine de l'ex-comique pour la classe politique italienne qui l’a poussé à interdire à ses députés de trouver un compromis avec les démocrates de gauche et la droite berlusconienne pour participer à la naissance d’un gouvernement d’unité nationale.

Accusé de dérive autoritaire pour avoir aussi interdit à ses députés de faire état de leurs perplexités quant à ce choix stratégique qui a redonné vie à Silvio Berlusconi sur le plan politique, Beppe Grillo est isolé. Et son mouvement avec lui.

C’est ce que dénoncent les conseillers municipaux bolognais Giovanni Favia et Federica Salsi, expulsés en janvier dernier pour avoir étalé au grand jour les travers et l’absence de démocratie du mouvement. Interview croisé:


Quelle est votre analyse du Mouvement 5 étoiles?

Giovanni Favia : Beppe Grillo et le mouvement n’ont rien à voir avec l’image de la révolution romantique propagée par certains activistes. Cela me dérange beaucoup qu’en France par exemple, l’extrême gauche ait de la sympathie pour Beppe Grillo car ses idées, au final, sont proches de celles des Le Pen. Son coté nationaliste fait de lui un personnage 'borderline'.


Federica Salsi : Beppe Grillo a arnaqué tout le monde. Il a promis le changement, la nouveauté, la transparence. Il n’y a rien de tout cela dans le mouvement qui fonctionne au gré de l’humeur de son leader. Il a organisé un système de communication verticale à partir de son blog pour mieux manipuler l’information et par conséquent l’électorat.

Il faut savoir aussi que le mouvement est un bon business pour Giancarlo Casaleggio (éminence grise, communicant et ami de Grillo, NDLR). Il fait fortune avec la publicité sur le blog de Beppe Grillo. A chaque fois que le leader écrit un post, des milliers d’internautes le lisent. Plus il y a de clics, plus Casaleggio passe à la caisse. Le jour où Grillo cessera d’intéresser les Italiens, il y aura moins de clics et le chiffre d’affaires de son associé baissera. Il est probable que cela entrainera la mort du mouvement qui ne représentera plus aucun intérêt sur le plan économique pour Giancarlo Casaleggio.


Giovanni Favia : Entre la foule en adoration et le leader charismatique, il n’y rien. Le mouvement utilise le marketing viral pour proposer un nouveau modèle d’organisation mais il n'a pas d’anticorps. L’utilisation de la démocratie directe peut être extrêmement dangereuse. On sait où ça commence, mais on ne sait pas où cela s’arrête.


Beppe Grillo a toujours présenté le mouvement comme une formation totalement apolitique qui représente les citoyens. Quelles sont les idées politiques du mouvement ?

Giovanni Favia : Le Mouvement n’a pas d’idées car il dépend totalement de Beppe Grillo qui est le seul à pouvoir s’exprimer. Il n’y a aucun projet politique et surtout, pas de dirigeants. Beppe Grillo a tout verrouillé à commencer par la répartition des responsabilités qu’il partage avec son associé Giancarlo Casaleggio. Ces deux hommes ont construit un système vertical. En bas, la base et les députés. En haut, Beppe Grillo et Giancarlo Casaleggio qui tirent les ficelles et contrôlent tout.

A titre d’exemple, les listes des candidats ou les documents officiels sont expédiés à Milan au siège de la société de communication de Casaleggio. Tout est contrôlé par les employés de Casaleggio. C’est complètement fou car cela veut dire que le Mouvement est une agence de marketing. Le plus grand parti italien a son siège sur le site internet commercial de Casaleggio qui vend de la pub et des gadgets! C’est cela la grande révolution populaire ?


Federica Salsi : Le mouvement devait être différent des partis politiques traditionnels. Nous devions avoir une morale et une éthique. Beppe Grillo et Giancarlo Caseleggio spéculent sur le mouvement. Grillo utilise les personnes et déguise la vérité. Il refuse toute confrontation avec les représentants élus au parlement et au sénat car il sait qu’il perdrait le contrôle sur ce qu’il considère comme "sa chose". Si quelqu’un parle, la chasse aux sorcières commence.

Beppe Grillo a organisé un système d’inquisition numérique. Lorsqu’il a voulu se débarrasser dernièrement de deux députés, il demandé aux internautes sur son blog : voulez-vous les expulser du mouvement? Il leur donnait la réponse en posant la question de cette façon. Tout est censuré et tout le monde a peur, comme moi.

Après avoir été expulsé pour avoir participé à une émission de télévision sans la permission du grand chef, j’ai reçu des menaces de mort sur Internet. Depuis, si je vais quelque part, j’avertis ma famille et la police surveille ma maison. En disant ce qui ne fonctionne pas dans le mouvement, j’ai été accusée de vouloir détruire un rêve. A cela je réponds que le rêve ne correspond pas à la réalité.


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