Bordeaux-France : parler à un SDF peut vous coûter une amende de 60 Euros
Marianne
Schmitt est furieuse. Depuis quelques jours, cette étudiante en
sociologie de l’université de Bordeaux multiplie les conférences
de presse et les déclarations enflammées. La raison de sa colère :
un courrier récent de la police de Bordeaux, la sommant de payer 60
euros d’amende en vertu de l’arrêté "anti-bivouac".
Ce texte, voté en janvier dernier par le conseil municipal de
Bordeaux, vise spécifiquement les regroupements de SDF : il interdit
du 1er décembre au 1er mars et du 15 mai au 30 septembre "toutes
occupations abusives et prolongées des rues et autres dépendances
domaniales (...) lorsqu'elles sont de nature à entraver la libre
circulation des personnes ou bien (à) porter atteinte à la
tranquillité et au bon ordre public".
Il fait d’ailleurs
toujours l’objet d’une vive polémique à Bordeaux, l’opposition
municipale accusant le maire Alain Juppé de "faire la chasse
aux pauvres", pendant qu’un collectif regroupant 24 partis et
associations, dont le PCF, le PS et les Verts, réclame son
abrogation.
Comment
une étudiante, disposant d’un domicile et peu habituée des
bivouacs en pleine rue, a-t-elle pu se retrouver sanctionnée en
vertu de cet arrêté ?
"Je
venais de me réinscrire à la faculté, le 10 septembre dernier",
raconte l’intéressée, "et je marchais le long du cours
Victor Hugo (l’une des principales artères du centre de Bordeaux,
ndrl). J’ai vu une de mes amies, qui devait elle-même s’inscrire,
discuter avec un groupe de SDF. Je suis allée m’asseoir pour
parler avec eux. Nous sommes restés comme ça tout au plus deux
minutes, et il n’y avait pas la moindre trace d’agressivité, ni
de part, ni d’autre. Des policiers à vélo sont alors arrivés,
nous ont demandé nos papiers, et ont contrôlé nos identités avant
de repartir. A aucun moment, ils ne nous ont indiqué que nous étions
en infraction."
Quelques
semaines plus tard, surprise dans la boîte aux lettres : une amende
de 60 euros… pour une discussion en pleine rue.
Silence
radio à la mairie
Marianne
Schmitt contacte alors Stéphane Lhomme, porte-parole du collectif
pour l'abrogation de l'arrêté "anti-bivouac". Lequel
saisit aussitôt l’aubaine et lui offre la possibilité de raconter
sa mésaventure au beau milieu d’un débat organisé par le
collectif dans une salle municipale… débat auquel assistent
notamment des journalistes de Sud-Ouest. L’affaire devient dès
lors publique, au grand dam de la mairie, qui refuse de s’exprimer
sur le sujet et renvoie vers la police. La police, elle, a bien du
mal à retrouver le dossier correspondant. En gros, silence radio des
deux côtés.
L’affaire
tombe plutôt mal pour Alain Juppé, le maire de Bordeaux, engagé
dans une véritable épreuve de force avec le collectif pour
l'abrogation de l'arrêté, qui multiplie manifestations, procédures
judiciaires et interventions en plein conseil municipal. Stéphane
Lhomme voit dans ce texte une "mesure discriminatoire et
vexatoire de la mairie de Bordeaux à l’égard des SDF". Mais
l’arrêté suscite aussi l’irritation du Syndicat National des
Policiers en Tenue (SNPT, majoritaire), qui a dénoncé en septembre
dernier une mesure inutile faute de suivi social : les SDF
sanctionnés se retrouvent tôt ou tard de nouveau dans la rue.
Hasard du calendrier, c’est dans moins de trois semaines que le
tribunal administratif de Bordeaux doit se prononcer sur une
éventuelle abrogation de cet arrêté.
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