Egypte : Deux dangers menacent le pays

une nouvelle prise du pouvoir par les militaires et un retour de l’ancien régime.

Pour le célèbre auteur de l’Immeuble Yacoubian,
la destitution du président égyptien
Mohamed Morsi marque la fin de l’islam politique.

L’Egypte vient-elle de connaître un coup d’état militaire?

- Certainement pas. Un putsch, c’est quand des militaires s’emparent du pouvoir par les armes. Ce n’est pas le cas. Si 30 millions d’Egyptiens n’étaient pas descendus dans la rue pour réclamer le départ de Mohamed Morsi, jamais l’armée n’aurait pu faire ce qu’elle fait. Elle est intervenue, comme c’est son devoir, pour empêcher le pays de basculer dans la guerre civile et répondre aux demandes du peuple. Nous n’avions pas de parlement. Et le Président élu s’était arrogé les pleins pouvoirs, le 22 novembre dernier. Il se plaçait au-dessus des lois et poursuivait une politique islamo-fasciste. Depuis un an, 3400 personnes ont été arrêtées et ont subi des tortures pires que sous Moubarak. Nous avons recueilli vingt cas documentés d’hommes violés en prison.


Quel est l’avenir de l’islam politique ?

- La chute de Mohamed Morsi marque la fin de l’islam politique dans le pays qui l’a vu naître, lors de la création du mouvement des Frères musulmans en 1928. Dans un article, j’ai comparé ces islamistes à des Don Quichotte qui vivent d’illusion et se considèrent comme étant choisis par Dieu pour restaurer sa gloire. Ils ne sont pas capables de voir la réalité. En revanche, je suis impressionné par le peuple égyptien. Il a fallu juste un an pour percer à jour le jeu des Frères musulmans et comprendre la distinction entre l’islam et son exploitation politique. Les trente millions d’hommes et de femmes qui ont marché le 30 juin ne sont pas contre la religion : ils ont prié durant leur défilé. Beaucoup d’entre eux avaient même voté Morsi lors des dernières élections. Ils se sont rendus compte que ce Monsieur n’était pas leur Président mais celui d’une fraternité internationaliste, à l’agenda obscure. Ils ne lui font plus confiance. S’ils ont réagi avec autant de force, c’est parce qu’ils se sont sentis menacés dans leur identité.


La tuerie de Nasser City qui a fait une quarantaine de morts risque-t-elle de dégénérer en guerre civile ?

- On ne sait toujours pas comment ce drame s’est produit et qui a ouvert le feu le premier. Mais il y a aussi des criminels à la tête des Frères musulmans qui poussent les jeunes à se faire tuer. Comment croyez vous que des soldats réagissent quand on leur tire dessus ? Je pense que ceux qui sont tombés devant le club de la Garde républicaine sont d’abord les victimes de leurs propres leaders. Par le passé, de nombreuses manifestations se sont déroulées devant cette même caserne, où les jeunes lançaient des cocktails Molotov. Jamais l’armée n’a ouvert le feu. Deux dangers menacent le pays : une nouvelle prise du pouvoir par les militaires et un retour de l’ancien régime. Je ne crois pas au premier risque. L’armée ne souhaite pas diriger à nouveau le pays et a obtenu tout ce qu’elle voulait, et même plus, de monsieur Morsi, comme de ne pas avoir à révéler son budget de la défense. En revanche, le deuxième danger est très grand. De nombreux caciques de l’époque de Moubarak osent à nouveau relever la tête. Et leur objectif : c’est la restauration de l’ordre ancien. Ils sont toujours très puissants dans la police, les ministères. N’oublions que l’Egypte ne s’est pas soulevée, le 25 janvier 2011, contre les Frères, mais contre la dictature.

Propos d'Alaa el-Aswany recueillis par Christophe Boltanski -


Commentaires

  1. Tu racontes des bêtises, personne ne peut dire que ce n'est pas un coup d'état.Même si les gens ne sont pas descendus dans la rue, les militaires feront leur coup.Mais ils se trompent, eux mêmes et leurs mentors seront chassés un jour, incha Allah.
    N'importe quel islam, l ceux qui ne sont pas pour l'islam vont rejeter.C'est une guerre de religion qui s'est installée et en tête les pays occidentaux.Mais les plus dangereux sont les hypocrites comme Mohamed el Baradei parmi les égyptiens, les secondes mains de l'occident.

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    1. comme vous avez peut-être pu le remarquer, il y a sur ce site plusieurs point de vue ... celui de Yacoubian en est un parmi d'autres

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