Philippe El Shennawy : le symbole d'une peine sans fin
Après trente-huit ans de prison, le tribunal lui avait accordé une permission de sortie, "une lueur d’espoir", afin de rencontrer un futur employeur. La Cour d’Appel vient de la lui refuser, renvoyant Philippe El Shennawy, 60 ans, au symbole qu’il est devenu, celui d’une peine sans fin.
Le
tribunal avait capté les points positifs chez ce braqueur, sans une
goutte de sang sur les mains : "Grande intelligence",
"capacité à réussir des études en prison", "l’avis
très favorable du Directeur de la Centrale", l’appui sans
faille de son épouse, sa "force de caractère, exprimée dans
ses critiques virulentes à l’encontre des institutions". Et
le comité de soutien autour de lui. Et le travail qui l’attendait
s’il sortait en liberté conditionnelle. Mais par un
raisonnement dont les magistrats ont le secret, tout s’est retourné
contre lui.
Sa
femme, Martine, qui le visite ? Elle est "dans une admiration
qui interroge". Elle travaille dur ? Pas du tout, "ses
ressources sont inconnues". Louis Joinet, haut magistrat
honoraire qui se portait garant pour lui, proposant de l’accompagner
durant cette permission et de le ramener à la prison ? "Peu de
pertinence". Ses grèves de la faim, sa manie de faire
condamner l’Administration par la Cour Européenne ? On pourrait y
voir sa seule façon de tenir debout, les juges y décèlent les
signes de sa "violence". Il a envie de sortir ? Oui,
mais lui qui n’a jamais vécu ou presque vécu libre pourra-t-il
"s’adapter à un monde qu’il ne connait plus" ?
"Respecter les contraintes d’un aménagement de peine" ?
"Se confronter à la réalité" ? Et cette « médiatisation
» ? Et ce comité de soutien ? Eh bien, c’est néfaste : « Il
n’est pas certain qu’il puisse vivre comme un citoyen normal,
avec les goûts de Monsieur Tout-le-monde ».
Ce
qui fait que, comme dans le sophisme "plus y a de gruyère,
moins y a de gruyère", les magistrats en reviennent à
expliquer que, plus un prisonnier a la chance d’avoir des amis, un
boulot et un cerveau, moins il a de chance de sortir du trou.
Conclusion : un idiot sans famille ni copains ni travail aurait donc
toutes ses chances ?
Le
Canard Enchaîné N° 4839 du 17 juillet 2013
Retrouvez un article consacré aux longues peines : http://brunodesbaumettes.overblog.com/57-ans-de-prison-peine-de-mort
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