Syrie : c'était compter sans Poutine
Poutine,
l’homme qui les rend tous fous
Les
Occidentaux étaient persuadés que sur le front syrien, on ne
pouvait rien attendre de la Russie. Et voilà que Poutine lance une
initiative diplomatique qui fait bouger les lignes. Comment expliquer
ce tête à queue ?
Ce
sont les aléas d’une actualité mouvante mais aussi les
conséquences des esprits formatés par des a priori idéologiques.
Dans son numéro de cette semaine, L’Express publie un article fort
circonstancié titré : «Poutine ou les calculs de « M. Niet ».
Décryptons la formule pour les plus jeunes et pour ceux qui ne sont
pas férus de Kremlinologie. En somme, à l’instar de feu Andreï
Gromyko, ministre des affaires étrangères de l’époque
soviétique, l’actuel président d’un pays appréhendé comme un
remake de l’URSS ne peut que dire Non à tout.
Manque
de chance, il n’a pas dit « Niet »
mais « Da » à la suggestion
de John Kerry sur les armes chimiques de la Syrie. Patatras. C’est
le monde à l’envers. Du coup, l’analyse de L’Express tombe
complètement à plat (ce n’est pas exceptionnel) tout comme les
clichés véhiculés dans les médias occidentaux pour qui Poutine
est à la fois un Diable, un Soviétique en peau d’ours et un
imbécile.
Certes,
on ne peut comprendre la Russie sans son passé soviétique ou même
tsariste. Et pourtant, rien ne ressemble moins à l’URSS que la
Russie d’aujourd’hui, convertie aux dogmes de l’hyper
capitalisme fou. De même, si Poutine n’a rien d’un petit Saint
orthodoxe, s’il perpétue des traditions antidémocratiques
tenaces, il est absurde de le réduire à une marionnette de l’ex
KGB, comme on le lit en permanence dans Le Monde ou dans les écrits
des nostalgiques de la guerre froide. Quand Bush père était à la
Maison Blanche, on ne rappelait pas permanence son passé de
dirigeant de la CIA.
La
Russie a donc pris tout le monde à contre-pied en ouvrant une porte
diplomatique. Surprise dans les chaumières. Quoi ? Les Russes, ces
rustres que l’on dit incapables de sortir de l’obstruction
permanente au Conseil de sécurité de l’ONU peuvent reprendre une
suggestion américaine afin d’ouvrir une alternative à la guerre ?
Comment est-ce possible ? Manifestement, ça l’est. On ne peut
d’ailleurs exclure que Barack Obama en soit fort satisfait, lui qui
voyait arriver l’hypothèse d’un Waterloo politique au Congrès
comme un Tomahawk mal dirigé tombant sur la Maison Blanche. On peut
même penser que des discussions secrètes ont été menées depuis
plusieurs jours entre les représentants des deux pays.
Certes,
la question de la Syrie n’est pas réglée pour autant. Certes, il
faut s’assurer de la faisabilité du projet. Certes, on peut douter
de la bonne volonté de Bachar El Assad. Certes, on peut penser que
dans les rangs de la rébellion, certains auront tout intérêt à
faire capoter l’opération. Certes, il ne sera pas facile d’aller
chercher les armes chimiques dans un pays déchiré par la guerre
civile. Bref, le plus dur est à venir.
Reste
que le pire a été (peut être) évité, à savoir l’engrenage
guerrier aux lendemains indécis. Force est de reconnaître que la
Russie y aura pris une part non négligeable, prouvant ainsi qu’elle
ne se réduit pas aux raccourcis manichéens en vogue dans les
gazettes. Les adeptes de la diplomatie du missile diront qu’une
telle perspective aurait été inenvisageable sans la menace
militaire exhibée par les Etats-Unis et la France. C’est possible,
mais ce n’est pas certain. On peut aussi y voir la volonté de ne
pas rajouter la guerre à la guerre dans un pays d’ores et déjà
éclaté.
Dans
ce conflit, rien ne pourra se faire sans la Russie et a fortiori
contre elle. Ses liens avec la Syrie sont connus. On peut sans doute
les critiquer compte tenu de ce qu’est le régime en place à
Damas, mais ils ne sont guère différents de ceux entretenus par les
Etats-Unis avec l’Arabie Saoudite et le Qatar, qui ne sont pas
vraiment des modèles de démocratie. Quoi qu’on pense de Poutine,
il ne fait que dire à haute voix ce que disent les dirigeants de
nombre de pays (comme l’Inde, le Brésil, l’Argentine, l’Afrique
du sud, la Chine) et la plupart des membres de l’Union Européenne).
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Evitons les raccourcis, les diabolisations et les procès d’intention qui font écrire au Monde que « la nouvelle donne diplomatique suscite des inquiétudes ». Ah bon ? Parce que l’ancienne donne, celle qui devait déboucher sur les bombardements suscitait de l’espoir ? Si, pour l’heure, le risque d’un aventurisme guerrier a été écarté, c’est parce que certains pays, à commencer par la Russie, ont su trouver une voie que d’autres, aveuglés par la folie guerrière, n’ont pas voulu étudier.
Cela
ne change rien à la nature du régime syrien. Cela n’enlève rien
à la nécessité de faire toute la lumière sur des exactions qui
ont conduit la Commission d’enquête de l’ONU à dénoncer les «
crimes contre l’humanité » commis par les forces gouvernementales
et les « crimes de guerre » perpétrés par une opposition
gangrenée par les djihadistes, comme en témoigne le journaliste de
La Stampa, Domenico Quirico, détenu cinq mois en Syrie. Mais cela
devrait amener à regarder le monde avec les lunettes d’aujourd’hui
et non avec des clichés hérités d’une époque révolue.
N'oublions pas non plus l'influence de Pékin dont le poids militaire n'est peut-être pas conséquent mais le poids économique bien... Que les chinois commencent à jouer des bons du trésor US à Macao et le $ s'effondre illico.
RépondreSupprimerLa Chine joue en arrière plan... et ce n'est pas sans importance
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