Et voilà que Mélenchon insulte les Bretons!


Maurice Szafran
Marianne

Cette fois, il s'en est pris aux protestataires bretons qui ont arpenté, samedi dernier, les rues de Quimper. Le plus surprenant, ce n'est même pas le fond, mais les mots et le ton : reproches assenés avec morgue, dédain, comme un discours de classe mais le châtelain hautain qui engueule et donne des leçons, cette fois c'est lui, Jean-Luc Mélenchon à « son » personnel comme le maître d'antan qui s'adresse à « ses » gens! Lisons et relisons: « les esclaves manifesteront pour les droits de leurs maîtres(...). Le patronat et les cléricaux vont faire manifester les nigauds », et ainsi de suite. Et Mélenchon de préciser qu'il n'insulte pas les Bretons, non, qu'il les « stimule ! » Et ben, mon gars...
  
Je sais par avance que cette nouvelle chronique du lundi va provoquer ici même polémiques et réprimandes puisque de nombreux internautes et tout autant de lecteurs de Marianne ne supporteront pas que j'ose m'en prendre au chef du Front de Gauche; que je dénonce ses violences verbales gratuites et à répétition; que je me scandalise, et nous sommes nombreux, très nombreux dans ce cas, de son inacceptable, de son odieuse façon de fasciser le ministre de l'intérieur Manuel Valls (facilitant ainsi la tache de Marine Le Pen et du Front National); ou que Jacques Julliard, sans se démonter, sans redouter l'insulte en retour, mette en cause sa cohérence, ou plutôt son incohérence politique. Puisque Julliard et moi avons l'audace de critiquer Mélenchon, alors nous serions devenus les hérauts nouveaux du politiquement correct le plus rance. Voilà qui mérite au moins vérification.
 
Féru d'histoire, Mélenchon fait pourtant comme si la Bretagne et les Bretons étaient précisément dépourvus... d'histoire. Ainsi la virulence de sa sortie contre les catholiques. Mélenchon ou le dernier bouffeur de curés! Or on ne comprend rien et il le sait mieux que vous et moi-, à l'évolution de la Bretagne et des Bretons au cours du dernier demi siècle - si on n'observe pas de près, et non sans sympathie, le mouvement suivi par le catholicisme breton. Bouffer du curé en Bretagne, c'est la garantie de ne pas être écouté, de ne pas avoir la moindre influence politique et culturelle.
 
Car, c'est un fait, la démocratie-chrétienne en Bretagne s'est social-democratisée depuis plusieurs décennies au point de rendre le PS quasi hégémonique dans la région. La modernisation de la Bretagne, son désenclavement, non seulement géographique mais aussi psychologique et culturel, c'est la conséquence de ce passage, de ce transfert, du démocrate-chrétien René Pleven, ministre de Georges Pompidou, au social-démocrate Jean-Yves Le Drian, au top de l'influence sous Hollande, lesquels ont su travailler en harmonie avec les grands industriels bretons, François Pinault ou Vincent Bolloré qui n'ont jamais abandonné « leur » région. Le tout avec l'approbation des curés...
 
Cette étonnante alliance, voilà ce qui rend dingue et méchant, Jean-Luc Mélenchon. Des cathos bretons sont de sortie dans les rues de Quimper, qu'importe la justesse ou non de leurs revendications sociales, économiques, politiques. Ils sont, n'est-ce pas, à la botte du grand capital et de la droite par définition, par nature, par naissance. Et qu'importe que l'histoire récente de la Bretagne montre l'inverse: tant et dès qu'on peut dire du mal des cathos et des curés, seraient-ils « de gauche », pourquoi Jean-Luc Mélenchon  s'en priverait-il...

Il croit que ces rafales d'attaques le renforcent, il est convaincu que cette communication de la quasi insulte le distingue des autres responsables politiques et qu'elle oblige au débat dans la société française, en Bretagne et ailleurs. Eh bien, Mélenchon s'égare: puisqu’ il s'est « clownisé », il s'est affaibli. La preuve? Il ne profite en rien de la faillite de François Hollande; il devrait être dans ce contexte au zénith de son influence et de sa communion avec les Français. Or il n'en est rien. Sa parole, à force d'excès en tous genres,  s'est décrédibilisée. Les sondages le prouvent et on comprend les Français.

Jean-Luc Mélenchon va-t-il se ressaisir? Jean-Luc Mélenchon peut-il encore se reprendre? Comment faire pour qu'il retrouve la raison politique et exerce à nouveau une influence positive,  utile à un moment précis ou le Front National est en passe de précéder l'ensemble des partis républicains. Nous avons besoin de Jean-Luc Mélenchon, un besoin pressant, et, pendant ce temps, Jean-Luc Mélenchon « déconne » en fascisant Valls et en méprisant les cathos breton.
 
Reviens, Jean-Luc, reviens vite, reviens au plus vite.

Maurice   Szafran

Marianne

Post scriptum
Comme beaucoup doivent s'en douter, je ne partage pas vraiment la conclusion de cet article . Je n'ai jamais trouvé les analyses de Mélenchon très pertinentes. Je ne dirai pas que Mélenchon a changé je dirai plutôt qu'il ne cesse de se dévoiler. Puisse ses partisans inconditionnels le comprendre et aborder enfin une vraie démarche politique. Mélenchon je ne lui dit pas reviens mais laisse la place aux militants qui travaillent et réfléchissent. 

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