Soyons vigilants face à la volonté du Japon de reproduire le passé !

Le sanctuaire de Yasukuni  (1)
Aujourd'hui, c'est le 7 juillet. La Chine commémore ce jour, non seulement parce que nous devons nous rappeler l'histoire, chérir la paix, mais plus encore parce que les dirigeants japonais, eux, semblent déjà avoir oublié l'histoire, comme s'ils voulaient reproduire ce qu'ils firent autrefois, porter les armes à l'étranger, changer la voie de développement qu'ils ont adoptée après le second conflit mondial et même défier l'ordre international de l'après-guerre.

Après l'entrée en fonctions du Premier ministre japonais Shinzo Abe, celui-ci a d'abord contesté la souveraineté de la Chine sur les îles Diaoyu, puis il s'est rendu au sanctuaire de Yasukuni, niant l'histoire de l'agression japonaise, et remis en question la « Déclaration de Kono » sur la reconnaissance de l'existence de « femmes de réconfort ». Et récemment encore, le Gouvernement japonais a adopté une résolution allant vers la remise en cause de son statut militaire actuel pour aller vers une auto-défense collective. Toutes ces alertes n'ont pas manqué d'inquiéter les pays voisins du Japon.


Qu'est-ce l'« auto-défense collective»? Aux termes des dispositions de la « Charte de l'ONU » les États souverains possèdent un « droit inhérent à la légitime défense individuelle ou collective ». Pour dire les choses plus clairement, cela veut dire qu'un pays déjà membre d'une alliance, lorsque celle-ci est victime d'une attaque armée, et même si ce pays n'a pas été attaqué lui-même, peut aussi apporter une aide armée à un autre de ses membres.

Pourquoi le Japon, en tant qu'Etat souverain, ne possède-t-il alors pas de droit à l'auto-défense collective ? Après sa défaite, faire du Japon un pays démilitarisé et désarmé a été considéré comme la mesure de transformation la plus efficace de ce pays. Le résultat le plus important en fut la « Constitution pacifique », mise en œuvre à compter du 3 mai 1947. Aux termes de l'article IX de ce texte, le Japon, « aspirant sincèrement à une paix internationale fondée sur la justice et l'ordre, le peuple japonais renonce à jamais à la guerre en tant que droit souverain de la nation, ou à la menace, ou à l'usage de la force comme moyen de règlement des conflits internationaux. Pour atteindre le but fixé au paragraphe précédent, il ne sera jamais maintenu de forces terrestres, navales et aériennes, ou autre potentiel de guerre. Le droit de belligérance de l'État ne sera pas reconnu ». C'est ce qui a fait que le Japon n'a tout naturellement pu se voir octroyer le droit à l'auto-défense collective.


Non seulement le Japon ne pouvait pas avoir de droit à l'auto-défense collective, mais du fait qu'après la guerre, il a choisi une voie de développement pacifique pour sa reconstruction, ce droit n'était même pas nécessaire. Le Japon est actuellement un allié des États-Unis, et selon les dispositions de la « Charte des Nations Unies », l'exercice de l'auto-défense collective du Japon est soumis à une « attaque » sur les Etats-Unis, pour les aider en cas de guerre. Mais les États-Unis n'ont jamais été confrontés à un danger d'« attaque ».

Cependant, les Etats-Unis n'ont jamais cessé d'encourager le Japon a mettre fin à cette interdiction du droit à l'auto-défense collective. En même temps que la paix avec le Japon fut également signé le « Traité de sécurité nippo-américain », qui, dans le contexte de la «guerre froide» et de la guerre de Corée, impliquait pour les États-Unis une intention de « sécurité nippo-américaine » à double sens, c'est-à-dire en clair que les États-Unis pouvaient aider le Japon, et que le Japon pouvait aider les États-Unis. Cependant, afin de se concentrer sur l'économie, quand il était Premier ministre, Shigeru Yoshida a pris prétexte de la « Constitution pacifique » du Japon pour rejeter les demandes des États-Unis. Jusqu'en 1960, quand le Japon et les États-Unis ont modifié le « vieux traité de sécurité », Kishi Nobusuke, le grand-père actuel du Premier ministre Shinzo Abe, anciennement suspecté de crimes de guerre et alors Premier ministre, refusa de faire la moindre promesse aux Etats-Unis qui exigeaient que le Traité de sécurité soit à double sens. Depuis lors, bien que les États-Unis aient demandé au Japon d'assumer une plus grande « part d'obligations internationales », et malgré l'utilisation de toutes sortes d'excuses par la droite japonaise pour s'affranchir des limites de la « Constitution pacifique » et envoyer des troupes à l'étranger, l'orientation unilatérale du traité de sécurité nippo-américain s'est poursuivie depuis.


Aujourd'hui, la « guerre froide » est finie, les risques d'attaques auxquels font face les États-Unis sont encore plus réduits. Les États-Unis ont-ils réellement besoin de l'aide du Japon et d'apporter leur aide à son « auto-défense » ? Bien sûr que non. Ce dont les États-Unis ont besoin, c'est que le Japon les aide dans leurs propres « attaques ». Que ce soit lors de la guerre de Corée, de la guerre du Vietnam ou ensuite lors des guerres en Afghanistan ou en Irak, ce sont les Etats-Unis qui ont « attaqué ». Le Gouvernement de Shinzo Abe veut mettre fin à l'interdiction de l'auto-défense collective, et sa stratégie à l'extérieur est agressive par nature. En outre, nous pouvons également noter que la résolution du Gouvernement japonais n'utilise pas le terme d'« alliés », mais de « pays ayant des liens étroits avec le Japon et victimes d'une attaque armée ». La volonté du Japon d'exercer l'auto-défense collective, non seulement va au-delà des dispositions de la « Charte de l'ONU », mais renforce aussi les incertitudes quant à l'emploi de la force par ce pays, face auquel les pays voisins doivent se montrer vigilants!


La Chine d'aujourd'hui n'est pas celle qu'elle était il y a 77 ans. En toute bonne logique, devant le comportement du Gouvernement de Shinzo Abe, il n'y a pas de raisons de faire tant de bruit pour si peu. Cependant, face à des politiciens sans pensée rationnelle, la Chine ne saurait se taire. D'après la résolution du Gouvernement japonais, leur explication est qu'ils doivent adopter des amendements à la « constitution pacifique » pour revenir sur l'interdiction de l'auto-défense collective. Nous avons mentionné l'Article IX de ce texte ci-dessus. Que l'on comprenne alors notre perplexité ! Les exigences de cette « Constitution pacifique » sont tellement claires que l'on se demande comment elle pourrait être interprétée dans un sens permettant au Japon d'envoyer des troupes à l'étranger se battre pour lui. Cela nous fait penser à ce qu'un célèbre philosophe japonais dit autrefois, « Le Japon ignore la philosophie ». Mais le problème est que le Japon ne se contente pas d'ignorer la philosophie, et que même la raison la plus fondamentale semble désormais lui échapper !

Quotidien du Peuple 

1 Le sanctuaire consacre et, selon les croyances shinto, accorde une résidence permanente pour les esprits de ceux qui ont combattu pour l'empereur, indépendamment de la façon dont ils sont morts au combat.  1068 kami consacrés sont des prisonniers de guerre condamnés pour crime de guerre après la Seconde Guerre mondiale. L'entrée de l'âme au sanctuaire absout par tradition tous ses pêchés terrestres.

L'un des critères pour la consécration au Yasukuni-jinja est que la personne soit considérée comme étant morte en service à la guerre (cela inclut les morts par maladies ou accident) et soit inscrite dans le registre des morts du gouvernement japonais. Selon les documents publiés le 28 mars 2007 par la bibliothèque nationale de la Diète, les représentants du ministère de la Santé et des Affaires sociales et ceux du sanctuaire Yasukuni se seraient entendus le 31 janvier 1969 pour que les criminels de guerre de classe A condamnés par le tribunal militaire international pour l'Extrême-Orient soient « légitimes à être honorés » et ils décidèrent de ne pas rendre cette décision publique

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