L'hôpital Necker a-t-il vraiment été «dévasté» par les «casseurs» ?




Un hôpital «dévasté» : les mots sont de Manuel Valls, invité ce mercredi matin sur France Inter. Au lendemain d’une manifestation parisienne sous haute tension contre le projet de loi travail, le Premier ministre a dénoncé avec force l’action des «casseurs» au cours du défilé, et notamment les incidents qui se sont déroulés aux abords de l’hôpital Necker pour les enfants malades, dans le XVe arrondissement de la capitale.

Dans la classe politique, la condamnation a été unanime. Côté gouvernement, Marisol Touraine, la ministre des Affaires sociales, a parlé d’une «attaque insupportable», assurant, sur France Info, que «personne ne pouvait ignorer que c’était un hôpital auquel on s’en prenait et qu’on attaquait». Et d’ajouter : «Il y a des enfants qui entraient dans les blocs opératoires et certains n’étaient pas encore endormis, ce sont des choses qui sont choquantes.»


Son homologue de l’Intérieur, Bernard Cazeneuve, est allé plus loin, en s’en prenant aux «hordes de manifestants violents» et aux «sauvageons» qui ont brisé les «vitres de l’hôpital Necker» alors «qu’il y a l’enfant des policiers [assassinés lundi à Magnanville, ndlr] qui s’y trouve». Nicolas Sarkozy, sur Twitter, s’est fendu de ce message : «#Necker : je demande que soit engagée la responsabilité civile et financière de la CGT.»

Mercredi matin, Manuel Valls s’est rendu sur place avec Marisol Touraine pour apporter son soutien aux équipes médicales de l’établissement. L’Assistance publique - Hôpitaux de Paris (AP-HP), de son côté, a déposé une plainte contre X pour «dégradation de biens publics et mise en danger de la vie d’autrui». Vingt-quatre heures après les faits, Libération fait le point sur un dossier devenu symbolique.

Que s’est-il passé ?

Il est près de 15h30 quand le cortège de tête, constitué notamment de plusieurs centaines de manifestants cagoulés et équipés pour harceler les forces de l’ordre, arrive à l’angle du boulevard du Montparnasse et de la rue de Sèvres, au niveau du métro Duroc. Les affrontements avec les CRS, qui n’ont pas cessé depuis le départ de la manifestation place d’Italie, reprennent de plus belle. Des militants radicaux, tout de noir vêtus, lancent des projectiles en direction de forces de l’ordre situées sur leur gauche, qui répliquent à coups de grenades lacrymogènes.

L’hôpital Necker, juste à côté du cordon des forces de l’ordre, n’est clairement pas la cible de la majorité des manifestants. S’il est tout à fait probable que des pierres ou des canettes de bière aient pu endommager sa façade, c’est surtout les coups de marteau portés par un ou deux manifestants qui ont causé la majorité des dégâts. On le voit sur cette vidéo tournée par un journaliste du Monde (à partir de 4’20"). A noter, par ailleurs, l’intervention d’un homme qui tente d’arrêter l’individu en lui disant : «Hé, c’est un hôpital de gosses.»
Les échauffourées au milieu du carrefour durent assez longtemps, peut-être une vingtaine de minutes. Sur cette vidéo, on voit même des «casseurs» détacher des plaques entières de bitume à coups de marteau, pour s’en servir ensuite de projectiles. Il faut l’intervention du canon à eau de la préfecture de police, qui scinde le cortège en deux, pour repousser la tête de manifestation plus en avant, vers le boulevard des Invalides.

Quels sont les dégâts ?

Les principaux dégâts concernent des bris de vitres, au niveau du rez-de-chaussée de l’établissement. Une quinzaine de parois, côté rue, ont ainsi été fracturées, sans par ailleurs céder. Mais «personne n’est entré dans l’hôpital, il n’y a pas de dégâts à l’intérieur», explique le professeur Noël Garabédian, présent sur place mardi. Il souligne en outre que les patients et les équipes médicales ont été «extrêmement choqués par cet épisode traumatisant».

Aussi gratuits et stupides qu’ils puissent être, ces actes sont donc loin d’avoir laissé derrière eux un bâtiment «dévasté», comme l’a dit Manuel Valls. Ce qui fut en revanche le cas de nombreux commerces sur le parcours de la manifestation. Quant aux «enfants qui entraient dans les blocs opératoires et certains n’étaient pas encore endormis», comme le souligne Marisol Touraine, difficile de savoir s’ils ont entendu précisément les coups de marteau, au milieu d’une ambiance où se mêlaient cris des manifestants, jets de grenades lacrymogènes et surtout tirs de grenades assourdissantes, au volume sonore bien plus important.

Commentaires

Posts les plus consultés de ce blog

Le discours intégral d'Angela Davis à la marche des femmes (français et anglais )

PLAIDOIRIE DE GISÈLE HALIMI AU PROCÈS DE BOBIGNY (extraits)

Le Génocide des indiens du Brésil