Assemblée générales du CAC 40 : la fronde (timide) des salariés


La tonalité des premières assemblées générales des sociétés du CAC 40 qui viennent de se tenir en 2013 est très différente de celle des années précédentes. C'est la première fois que les salariés s'y manifestent aussi unanimement et marquent avec autant de vigueur leur volonté de s'exprimer.


L'AG de VINCI a permis aux salariés du groupe de dénoncer, entre autres, l'emploi par les sous-traitants d'une main d'œuvre polonaise payée 600€ par mois, ainsi que de conspuer le chantier de Notre Dame des Landes "inutile et dont personne ne veut".

À l'AG de LVMH et bien que Bernard Arnault ait fait interdire l'accès de la salle des séances aux petits actionnaires (1), ses anciens salariés sont venus dénoncer le dépècement de l'empire Boussac qui s'est traduit par la destruction de tout ce qui n'était pas Dior et par la mise en chômage, sans reclassement malgré les promesses, des autres travailleurs. Ils ont aussi déploré la délocalisation en Pologne, puis en Bulgarie, de la confection pour hommes de Kenzo.

L'AG de l'OREAL s'est déroulée plus calmement et Jean-Paul Agon y a souligné l'esprit maison qui anime ses équipes. Un actionnaire s'étonne alors du très faible pourcentage du capital détenu par les salariés. Le PDG en a conscience et promet d'y remédier.

L'AG de SANOFI est la plus emblématique de la fronde. Les actionnaires salariés ont chahuté les moments de l'assemblée générale qui ne leur plaisaient pas, notamment celui au cours duquel le président du comité des rémunérations à tenté de justifier celle du directeur général, abusive et scandaleusement démesurée. Ils ont blâmé le management par le stress. Ils ont dénoncé une stratégie qui n'accorde pas suffisamment d'attention au long terme et surtout le mépris de son capital humain qui sous-tend la politique du groupe.

Par contre, l'assemblée générale de BOUYGUES s'est bien déroulée. Il faut noter que les salariés possèdent 24% du capital du groupe et ont deux représentants au conseil d'administration.

On est là au cœur d'un des graves problèmes propres aux entreprises françaises: la non participation des salariés à la gouvernance.

On rappellera la 2e proposition du rapport Gallois: "introduire dans les conseils d’administration ou de surveillance des entreprises de plus de 5.000 salariés, au moins 4 représentants des salariés, sans dépasser le tiers des membres, avec voix délibérative, y compris dans les comités des conseils". Cette proposition est toutefois bien trop timide. L'entreprise associe des porteurs d’idées, des cadres et autres travailleurs salariés et des collectivités d’accueil aux dirigeants et aux apporteurs de capitaux, banquiers ou actionnaires.Il importe alors de calquer la gouvernance de l’entreprise sur sa réalité concrète et de ne plus confier la totalité du pouvoir aux seuls actionnaires et à leurs mandataires. C'est un point sur lequel il serait bon de suivre, pour une fois, le soit disant "modèle allemand".

Georges Beisson

1 LVMH muselle ses petits actionnaires, Médiapart, 19 avril 2013.

L’assemblée générale de LVMH était convoquée à 10h30 hier matin au Carrousel du Louvre. Contrairemant à ce qui se passait les années précédentes, LVMH a organisé une ségrégation entre ses actionnaires : les petits actionnaires (auxquels on avait remis un badge blanc) n’avaient pas accès à la salle de l’assemblée générale (ouverte seulement aux porteurs de badges rouges ou verts) et étaient relégués dans un local annexe doté de deux écrans audiovisuels. Plus grave : il ne leur a pas été possible de poser des questions, aucun micro n’étant disponible dans ce local, aucune liaison n’étant établie entre ce local et la salle, dont l’accès leur demeurait interdit même pour poser des questions.

Plusieurs petits actionnaires ont demandé la parole, mais il n’y avait personne dans le local pour y donner suite ni pour transmettre leur demande. Faisant moi-même partie de ces petits actionnaires, je souhaitais demander à Bernard Arnault quelle était sa stratégie à l’égard d’HERMES INTERNATIONAL et pourquoi il avait choisi la Belgique comme siège social de LVMH INTERNATIONAL. Je regrette de ne pas avoir pu poser ces questions. J’en ajoute maintenant une troisième et je demande à Bernard Arnault quelles sont les raisons de cette posture anti-démocratique qui le fait mépriser ses petits actionnaires au point de leur refuser l’accès à l’assemblée générale et de leur retirer la parole ?
Georges Beisson


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