Europe-Etats-Unis : la France sacrifie-t-elle les ouvriers à l'exception culturelle ?



Le piège à cons de l’exception culturelle 


Il y a encore quelques semaines la presse française, sur la base de sondages d’opinion dont on ne voyait pas l’intérêt en l’absence d’élection, s’était prise d’engouement pour un hypothétique gouvernement « d’union nationale ».

Tout ceux qu’une telle hypothèse tenterait ont dû se réjouir de voir l’Assemblée nationale adopter mercredi à l’unanimité une résolution défendant l’exception culturelle.
Il s’agissait de conforter la position du gouvernement dans la perspective de l’ouverture d’une négociation Europe-Etats-Unis sur la libéralisation des échanges. Face à l’hydre américaine, magnifique de ferveur et de courage, la représentation nationale n’a eu qu’un seul cri : « la culture n’est pas une marchandise !».

Les députés ne faisaient que suivre la mobilisation des « cultureux », tous indignés (avec raison) qu’on puisse les mettre en concurrence avec Hollywood, à l’image de l’actrice palmée d’or Bénénice Bejo et du cinéaste Costa-Gavras qui ne cessent depuis le festival de Cannes de sensibiliser médias et politiques.

On les comprend, on les soutient, puisqu’effectivement il n’y a aucune raison de se laisser aplatir notre industrie de la culture (bien loin du petit artisanat) par le rouleau compresseur américain de l’entertainment. Mais ce qui gène, c’est cette exclusivité de l’exception. Car Nicole Bricq est repartie à Bruxelles avec un seul mandat impératif, une seule ligne rouge : pas touche à la culture, sinon pan-pan cucul ! Ce qui laisse ouvert la négociation sur le reste.

Et le reste, c’est tout le reste : l’agriculture, le textile, l’aéronautique, l’automobile, les services, l’eau, l’énergie, la grande distribution, les contrats publics, les normes, etc… 98% de l’économie ! Et même la fonction régalienne de l’Etat, puisque les américains demandent que des procédures spéciales permettent aux entreprises d’attaquer les Etats quand les règles qu’ils établissent ne leur conviennent pas.

Tout ceci, qui sera dans la balance de la négociation, cela n’intéresse pas les députés de gauche et de droite. La seule exception française, c’est donc la culture. Le Parlement européen, moins naïf, a lui posé de multiples barrières, notamment sur les normes sanitaires, à un accord avec les Etats-Unis.

Pourquoi naïf ? Ceux qui ont un peu de mémoire se souviennent de la prestation du Premier ministre Edouard Balladur en décembre 1993. Une ovation des députés avait salué l’annonce de la fin des négociations du Gatt qui avaient permis la création de l’OMC. Balladur était monté à la tribune et avait annoncé que la France avait réussi, contre l’Amérique, déjà, à sauvegarder son « exception culturelle ».

Mais dans les accords de Marrakech, il manquait la règle de la réciprocité, de l’équilibre des balances commerciales, ou l’observation des normes sociales fondamentales. En conséquence de quoi, les droits de douanes avaient été abaissés sur pratiquement tous les produits, livrant les industries à la violence de la concurrence.

Pour avoir visité les entreprises de textiles quelques années plus tard, je me souviens de ces ouvrières mises licenciées par milliers, dont l’une m’a dit « Monsieur, dites bien que nous avons été vendues contre des Airbus et des films ». Elle avait raison.

Le scénario pourrait bien se reproduire : contre la sanctuarisation de la seule culture où la gauche a une sacrée clientèle, on pourrait sacrifier de nouveaux ouvriers. Et puisque l’on a l’habitude de comparer le commerce mondial à la guerre, nous souhaitons à Nicole Bricq qu’elle ne reviennent pas comme Edouard Daladier de Münich en 1938, acclamé par les Français qui persuadés d’avoir évité un nouveau conflit avec l’Allemagne, en livrant la Tchécoslovaquie aux ambitions de Hitler. Daladier aurait dit : « les cons, s’ils savaient… »


Commentaires

Posts les plus consultés de ce blog

Le discours intégral d'Angela Davis à la marche des femmes (français et anglais )

PLAIDOIRIE DE GISÈLE HALIMI AU PROCÈS DE BOBIGNY (extraits)

Le Génocide des indiens du Brésil