FMI : après la Grèce, la Tunisie ...


LES MILITANTS DU COLLECTIF MA GALOULNECH S’INSURGENT CONTRE L’ACCORD DE PRÊT DU FMI

Le collectif formé de plusieurs associations et indépendants s’insurge contre l’accord de prêt entre le FMI et la Tunisie. Et pour cause ! « De l’ambigüité, des aberrations et beaucoup de mensonges ».


Mobilisés depuis un mois déjà, les jeunes militants multiplient les actions. Conférences de presse, campagne sur les réseaux sociaux, journées de sensibilisation au bassin minier à Redeyef et distribution, aujourd’hui, de tracts devant le siège de la Banque Centrale à Tunis. Par cette dernière action, ils estiment créer l’événement et attirer l’attention des citoyens sur les périls de l’accord qui sera examiné par le conseil d’administration du Fonds Monétaire International, aujourd’hui même, le 7 juin 2013. Un accord d’un montant de 2.700 millions de dinars qu’Elyes Fakhfekh et Chedly Ayari présentent comme « un dernier recours » et « une solution miracle » pour renflouer les caisses de l’Etat voire pour répondre aux revendications de la révolution mais que les militants, plusieurs économistes ainsi que quelque 74 députés rejettent.


Leur refus, les jeunes de Magaloulnech l’appuient par un argumentaire politique et économique détaillé en dix pages et illustré de plusieurs exemples frappants et concrets. Selon Khansa Ben Tarjem, membre du collectif, le prêt du FMI n’est autre qu’un prêt conditionné. Pis encore, les réformes accompagnant la lettre d’intention confidentielle adressée par les responsables tunisiens à Christine Lagarde – et leakée fin mars dernier -, ne seraient nullement des réformes conçues par le gouvernement tunisien mais bien plutôt un ensemble d’ajustements structurels imposés par l’institution financière.

« Ces ajustements, le FMI les a formulés à partir des rapports qu’il reçoit chaque année de la part des autorités tunisiennes », ricane Leila Riahi, membre elle aussi du collectif. « Ces rapports contiennent tous les véritables indicateurs de l’économie tunisienne, des chiffres qu’on maintient loin de la portée du peuple, comme le prix que nous impose British Gas, par exemple, sur notre propre gaz naturel », poursuit-elle, non sans indignation.


LES CONTRE-ARGUMENTS À DÉCLINER NE MANQUENT PAS, LES EXEMPLES NON PLUS

Quatorze contre-arguments, élaborés par l’observatoire tunisien de l’économie, association faisant partie du collectif, en disent long sur les risques encourus, tant par l’économie que par le peuple, si jamais les directives du FMI étaient appliquées.

En perspective : la paupérisation de la classe moyenne avec l’abandon des subventions alimentaires et des hydrocarbures, la faillite de la classe active à cause des exigences de souplesse du marché du travail voulues par le FMI (facilitation du renvoi des travailleurs en réduisant les indemnités de licenciement), le gel des salaires et des salaires minimums ou encore la précarisation des personnes âgées à travers la diminution des pensions de retraite.

Outre ces répercussions sociales fâcheuses, les experts du collectif, entre autres Leila Riahi, crient haro sur un ensemble de mesures qui mineraient l’économie nationale et compromettraient même la souveraineté territoriale du pays. Les diktats du FMI impliqueraient, selon elle, la vente de lotissements aux étrangers et la rédaction d’un code d’investissement qui favorise les intérêts des investisseurs étrangers aux dépens des secteurs privé et public tunisiens.


A la lumière des retombées de l’accord du FMI, la jeune militante appelle à le rejeter catégoriquement. « Des réformes, bien sûr qu’on en veut, mais pourvu qu’elles soient les nôtres et qu’elles servent l’intérêt du peuple », déclare-t-elle avec détermination.

Pour son camarade Wassim Laabidi, le peuple est suffisamment mûr pour avoir conscience de ses priorités et de ses objectifs. « Il faut comprendre l’accord dans un contexte politique plus large, explique-t-il. Ce n’est pas un prêt parce que nous n’avons pas d’argent, mais c’est un pas s’inscrivant dans un processus qui a commencé à Deauville, à travers lequel les grandes puissances et les institutions financières projettent de dominer les pays arabes en transition. »

Le jeune homme appelle ainsi les Tunisiens à prendre leur destin en main d’autant plus que plusieurs pays ont refusé de s’aligner aux conditions du FMI. Il donne l’exemple de l’Égypte, qui a refusé jusqu’ici la suppression de la Caisse de compensation et la hausse de la TVA en échange d’un prêt de 4,8 milliards de dollars. Le FMI n’a donc pas été l’ultime et l’unique recours du gouvernement égyptien qui a d’ailleurs réussi à trouver d’autres alternatives de financement : un prêt de 2 milliards de dollars sans intérêt de la part de la Libye, un prêt de 4 milliards de dollars octroyé par l’Arabie Saoudite et des fonds de 2 milliards de dollars prêtés par la Russie.


EN FINIR AVEC LES « MENSONGES » ET « L’OPACITÉ »

Abandonner l’accord et ne plus se soumettre aux exigences, ni à l’ingérence des institutions financières internationales ont été également les revendications de Lobna Saidi. Mais ses souhaits, la jeune femme, les a exprimés avec une émotion particulièrement vive. Se désolant que l’histoire de l’accord du FMI soit entourée d’une myriade d’aberrations, elle appelle surtout à plus de transparence et de franchise de la part des politiciens et des responsables. Ainsi, selon elle, le ministre des Finances n’aurait pas dû annoncer que les termes du prêt étaient avantageux et que le taux d’intérêt n’est que de 1.08%.

« Le FMI ne prête pas à n’importe quelle condition, explique-t-elle. En ce qui concerne l’Accord de confirmation, le taux d’intérêt auquel il est fait référence est un taux de commission de base, aujourd’hui à 1,08 %, auquel il faut rajouter une majoration au cas où la somme du prêt dépasserait 3 fois ce que le pays a déposé auprès du FMI (quote-part en DTS). La somme sur laquelle s’est accordée la Tunisie correspond à 4 fois ce que la Tunisie a déposé au FMI. Donc il faut rajouter une majoration de 2 % au taux de commission de base et d’autres commissions que l’on retrouve dans les clauses de l’Accord de confirmation. Le taux d’intérêt réel auquel emprunte la Tunisie auprès du FMI est supérieur à 3,58 %, soit bien plus que le taux auquel la Tunisie avait emprunté au Qatar (2,5%) ».


Unanimes et unis, tous les jeunes du collectif appellent à un dialogue national sur l’économie du pays ainsi que sur le modèle de développement à adopter. Pour eux, tout citoyen doit être mis au fait des tenants et aboutissants de tout ce qui se décide, que ce soit dans les salles confinées du gouvernement ou sous la voûte de l’ANC. Leur devise pour le présent et surtout pour le futur : la transparence et le patriotisme avant tout.


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