"La Grèce est officiellement devenue un pays autoritaire"
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Des milliers de personnes rassemblées après la fermeture d'ERT, à Thessalonique en Grèce le 13 juin 2013 |
Maxime Kouvaras,
journaliste indépendant grec.
En
tant que Grec mais aussi en tant que journaliste, j’ai été
profondément choqué par la décision aussi brutale que violente du
gouvernement Samaras de fermer l’espace public audiovisuel sans
aucun débat préalable ni préavis.
Il
est vrai qu’une réforme était nécessaire. ERT n’était
certainement pas un média indépendant. La Grèce est sans doute le
seul pays d’Europe où l’on qualifiait la télévision publique
de télévision d’Etat. Le terme n’est pas anodin. Le
gouvernement nommait directement le directeur et la censure était
pratique courante.
J’ai
eu l’occasion de m’en rendre compte. De 2002 à 2006, j’ai
collaboré avec des émissions hebdomadaires diffusées par ERT et
certains de mes sujets ont été refusés. Je pense par exemple à un
reportage sur le lien entre les télévisions locales et les partis
politiques en vue des élections communales. J’avais comparé la
situation grecque avec la Belgique et le reportage n’a jamais été
diffusé.
Il
y avait aussi un manque de transparence dans la gestion de certains
programmes, des salaires injustifiés et des personnes en poste tout
simplement grâce à leur affiliation au parti au pouvoir ou en
réponse à des cadeaux électoraux. Mais ERT est la seule chaîne en
Grèce qui proposait des émissions et des programmes culturels d’une
certaine qualité. Elle dispose d’archives nationales extrêmement
importantes. Et puis comme dans toute chaîne publique, il y avait
des résistants, des journalistes qui faisaient un travail sérieux
d’information. Une réforme était donc clairement nécessaire mais
pas de cette manière-là. J’ai du mal à croire que d’un coup,
ce soit devenu la priorité du gouvernement, alors qu’il a lui-même
entretenu ces pratiques clientélistes…
Le
gouvernement est dans l’impasse en raison de son choix de suivre la
politique d’austérité radicale et aveugle demandée par le FMI,
l’UE et la BCE. La Troïka exige des milliers de suppressions
d’emplois publics avant de verser la tranche suivante de l’aide
financière. ERT était une cible facile pour supprimer près de 2700
postes d’un seul coup. N’aurait-il pas été plus courageux
d’opérer une véritable réforme structurelle au sein d’ERT et
de mener une enquête sur la gestion des comptes pour en faire enfin
un espace public au service du citoyen et non pas du pouvoir ?
La légitimité n’est plus de mise.
Une
nouvelle structure réformée verra le jour dans les prochains mois,
promet le gouvernement. En attendant la Grèce est devenue le seul
pays d’Europe sans service public d’information. Les premiers
bénéficiaires de cette décision sont les propriétaires des
chaînes de télévision privées qui récupèrent mécaniquement
l’audience et la publicité du groupe public. Elles sont la
propriété d’armateurs et autres oligarques grecs, très proches
du pouvoir.
En
dépit des règles élémentaires de la démocratie, le parti
conservateur du Premier ministre Antonis Samaras a pris seul cette
décision sans l’accord des partis de la coalition gouvernementale,
sans débat au Parlement grec et sans consultation populaire.
Seul
Aube Dorée, le parti néonazi, appuie cette action du gouvernement.
La Grèce est donc officiellement devenue un régime autoritaire. La
légitimité n’est plus de mise. D’ailleurs la coalition est en
train de s’effriter et il n’est pas impossible d’imaginer des
élections anticipées. C’est ce qu’attendent en tout cas les
résistants pour qui il est grand temps que la Grèce, anéantie par
les plans d’austérité, retrouve enfin sa souveraineté!
Je reste malgré tout très dubitative quand je vois nos médias dits publics et ...indépendants (non, là je ne peux pas !). Il semble bien qu'ils ne le soient plus depuis longtemps .
RépondreSupprimerC'est donc au niveau du symbole que cette fermeture est pour moi significative .
Bien à toi Maryvonne .