Le Conseil Culturel de Bretagne demande au Président du Conseil régional de ne pas signer le Pacte d’Avenir



Pour le Conseil culturel de Bretagne, l’appellation « Pacte d’avenir pour la Bretagne » n’est pas appropriée au contenu du document qu’elle recouvre, qui correspond plus à des mesures d’urgence et circonstancielles qu’à un accord partagé sur une vision à long terme du devenir de la Bretagne, avec les moyens correspondants. De ce point de vue, il manque à l’évidence, dans le propos, un souffle, un acte de foi en la Bretagne et en ses acteurs qui depuis plus de 60 ans n’ont eu de cesse que de proposer une réorganisation territoriale pertinente de la France, et même de l’expérimenter de façon concrète 30 ans avant la lettre : Région, Pays / bassin de vie, solidarité intercommunale…

Globalement, le Pacte d’avenir ne répond pas à la crise actuelle de la Bretagne, ni aux causes de l’exaspération bretonne : il oublie la revendication principale exprimée en Bretagne depuis deux mois au travers du slogan « vivre, travailler et décider au pays » : pouvoir décider au pays, et donc obtenir un statut spécifique pour la Bretagne sur le modèle de celui obtenu par la Corse grâce à la loi du 13 mai 1991, et pour le moins, un renforcement considérable de l’institution régionale par une décentralisation améliorée et des transferts conséquents de compétences.

L’enjeu principal de la révolte est démocratique et non budgétaire. Il s’agit de sortir de l’impasse démocratique de la centralisation qui confisque le pouvoir au profit d’un centre omnipotent. Il s’agit de pouvoir agir en Bretagne pour résoudre les problèmes bretons.

Ce pacte est néfaste en termes de communication. L’État, en insistant sur le chiffre de deux milliards d’euros, veut faire croire que la Bretagne est une région écoutée et privilégiée. Or, à l’examen, le chiffre de deux milliards prête à confusion : il inclut en effet de très nombreuses sommes déjà budgétées ou prévues, dont bénéficient également toutes les autres régions, souvent même de manière bien plus substantielle que la Bretagne. La Bretagne ne demande pas l’aumône, mais juste l’équité avec les autres régions en termes de dotations de l’État.
Il est néfaste également parce qu’il oublie sciemment le volet principal : le volet institutionnel. Sans lui, ce pacte n’a aucun intérêt.

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Dans ses domaines de compétence, le Conseil Culturel de Bretagne formule les observations suivantes :

Il regrette que le mouvement associatif n’ait pas été consulté par l’État dans la phase d’élaboration du Pacte.


A propos du Titre IV : Affirmer l’identité culturelle de la Bretagne


Il est choquant que ce titre soit de très loin le moins développé et le moins précis. Alors que seule une « convention spécifique sur les langues de Bretagne » est envisagée, c’est la compétence politique linguistique qui devrait être attribuée à la Bretagne. Elle ne doit pas se limiter à l’enseignement mais permettre notamment de développer la présence des langues de Bretagne dans l’espace public et les médias, y compris en Loire-Atlantique. Elle doit aussi encourager leur usage par les populations. L’utilisation de la formule « sera possible » concernant la délégation de compétence « culture » est peu rassurante et peu ambitieuse.


Le Conseil culturel de Bretagne réclame à nouveau1 le transfert de compétence (et non une délégation), et ceci sur un périmètre large, justifié par la richesse et la spécificité culturelles indéniables de la Bretagne.

Quant à l’expérimentation en matière audiovisuelle, son caractère hypothétique n’es pas davantage satisfaisant. Le Conseil culturel rappelle sa proposition : « La collectivité régionale de Bretagne devra avoir compétence pour l’organisation du paysage médiatique régional (radio, télévision et multimédia) afin de disposer de médias audiovisuels de plein exercice. »2

Il n’est pas normal que l’État se contente de prendre acte de la demande du Conseil régional concernant la ratification de la Charte des langues régionales et minoritaires. C’est la date de cette ratification, sans aucune déclaration interprétative, et les modalités mises en oeuvre pour y parvenir qui doivent être indiquées.

Il manque clairement un volet budgétaire, ce qui est pourtant essentiel quand on sait que le budget de la culture est le plus centralisé, et le plus inégalement réparti entre l’Ile-de-France et les autres régions. Le Conseil culturel de Bretagne considère que l’État doit s’engager clairement dans une territorialisation plus équitable de ce budget.

A propos du Titre V : Approfondir l’investissement de la Bretagne dans la connaissance


Le Conseil culturel approuve l’objectif de préserver « un écosystème breton polycentré et performant » et le renforcement de l’Université européenne de Bretagne, intégrant l’Université de Nantes. Le Conseil culturel s’inquiète des risques de déséquilibre du monde universitaire breton au détriment de l’ouest de la péninsule. Il souhaite, par ailleurs, un rééquilibrage du budget de l’enseignement supérieur et de la recherche qui est actuellement l’un des plus centralisés.

A propos du Titre VI : Améliorer l’accessibilité de la Bretagne et soutenir les dynamiques de territoire (14.4. Du capital touristique de la Bretagne)


Le Conseil culturel regrette que ne soit pas envisagé une réorganisation de la compétence tourisme permettant un véritable pilotage à l’échelon régional, mettant fin en outre à de coûteux doublons.

A propos du Titre VII : Sceller un pacte de confiance


S’il est bien de reconnaître « l’importance pour la Bretagne de la reconnaissance du fait régional et des spécificités bretonnes », encore faut-il en tirer des conséquences. On est loin d’une réponse aux propositions faites par le Conseil régional le 21 mars 2013 dans sa contribution au débat national sur la décentralisation. Le Conseil culturel est favorable à des modifications institutionnelles fortes, pour aller vers un statut spécifique de la Bretagne. Depuis la loi du 13 mai 1991, la Corse dispose d’un statut particulier au sein de la République. Une loi similaire devrait être votée avant les prochaines élections régionales.Ainsi, au même titre que la Corse, la Bretagne deviendra une collectivité territoriale à statut spécifique. Cette loi définira les compétences de la Bretagne, notamment dans les domaines des langues, de la culture, du tourisme et l’éducation, ainsi que les modalités de son autonomie budgétaire.
Le texte n’évoque pas la réunification de la Bretagne. Celle-ci, souhaitée jusqu’à l’Assemblée Nationale (amendement de Rugy – Le Fur), et votée par la Région et nombre de collectivités territoriales, est pourtant essentielle pour son avenir.

Dans ces conditions, le Conseil culturel de Bretagne estime que le Conseil régional ne devrait pas autoriser la signature de ce texte en l’état. Il lui parait nécessaire d’engager l’élaboration, en Bretagne et après une véritable concertation, d’un projet plus ambitieux, non seulement en termes financiers, mais aussi en termes structurels et institutionnels.

Avis adopté à l’unanimité par le bureau du Conseil culturel de Bretagne le 11 décembre 2013, mandaté par l’assemblée plénière du 30 novembre 2013.

1 Cf. auto-saisine du 01/12/12, « Pour une véritable décentralisation et un renforcement de la démocratie »
2 Cf. auto-saisine du 01/12/12, « Pour une véritable décentralisation et un renforcement de la démocratie »

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