Notre Dame des Landes : un projet "carrément " noyé ?

Comment compenser la perte d'hectares de nature?


Les promoteurs du futur aéroport de Notre-Dame-des-Landes doivent revoir la façon dont ils répareront ailleurs les centaines d'hectares de milieux naturels détruits: les critiques émises mardi par des experts illustrent les écueils de la compensation écologique, méthode contestée dont ce projet constitue un laboratoire.

Cette compensation, qui consiste à restaurer ailleurs des milieux équivalents à ceux détruits, est une obligation légale dans le cadre de grands projets.

Au regard des fortes réserves soulevées au titre de l'application de la loi sur l'eau, le projet n'est pas simplement enterré mais carrément noyé, a affirmé mercredi à l'AFP Raphaël Romi, professeur de droit de l'environnement à l'Université de Nantes et élu écologiste à Nantes.

Dans un rapport, distinct de celui de la commission chargée d'apaiser les tensions locales, un collège d'experts scientifiques a évalué la pertinence des mesures proposées pour compenser écologiquement la destruction de milieux naturels.

A ce titre, Notre-Dame-des-Landes, projet de 1.650 hectares situé en quasi-totalité en zones humides, constitue un laboratoire car il constitue l'un des premiers projets en France à devoir mettre en oeuvre des mesures de compensation sur une superficie aussi vaste, soulignent les experts.

Autre innovation: les mesures proposées reposent non sur une logique de compensation en surface -- sur la base de deux hectares compensés pour un perdu -- mais de fonctions, en restaurant des milieux éventuellement moins grands mais remplissant le même rôle écologique, comme la dépollution, la régulation du débit d'eau localement ou l'hébergement d'espèces protégées.

Cette approche est contestée par certains défenseurs de la nature.

Retard ?

Tout en reconnaissant la difficulté et l'ampleur du travail mené par les maîtres d'ouvrage et leur volonté d'innovation, les experts vont dans leur sens en refusant de valider en l'état la méthode retenue.

Ils soulèvent au total douze réserves qui devraient être levées pour que le projet puisse être poursuivi, laissant entrevoir un retard possible dans un projet imaginé dans les années 60 et dont la mise en service est annoncée pour 2017-2018.

La méthode retenue, par exemple, ne garantit pas de pouvoir mesurer l'équivalence entre fonctions restaurées et celles qui ont été perdues par la perte des zones humides détruites. De même, les promoteurs ne prennent pas suffisamment en compte le risque d'échec des mesures proposées, ni le temps nécessaire pour atteindre les objectifs fixés.

Mercredi, ni le ministère des Transports ni le groupe Vinci, maître d'ouvrage, ne souhaitaient commenter la portée des réserves. Le ministère, dans un communiqué, avait qualifié mercredi le rapport de contribution scientifique détaillée, rigoureuse et sans concession pour caractériser la richesse des milieux.

Il appartient aux maîtres d'ouvrage et aux services de l'État de s'approprier cet avis assorti de recommandations, ajoutait le communiqué, en rappelant que la compensation qualitative des surfaces amputées est une approche pragmatique, volontariste, et innovante, mais complexe

Pour Benoît Hartmann, porte-parole de la fédération France Nature Environnement (FNE), les réserves des experts sont redoutables et rédhibitoires pour la poursuite du projet.

Cela montre, estime-t-il, que le projet, défendu en première ligne par l'ex-maire de Nantes et actuel Premier ministre Jean-Marc Ayrault, est intenable écologiquement, en plus d'être intenable économiquement.

Il faut que les porteurs du projet se mettent dans la tête qu'on ne sait pas faire le type de compensation proposée dans le dossier, renchérit Raphaël Romi.

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