Grèce : les Néo nazi font fuir les touristes, pas les grecs...


«Quand ils sont arrivés, tous les touristes ont payé leur addition et sont partis»: Fotis, serveur au restaurant Meatropoleos, au bas de la place Syntagma dans le centre d'Athènes contemple les onze tables en terrasse, dont neuf se sont brusquement vidées.


Devant, sur la chaussée, les derniers groupes d'un défilé organisé mercredi soir à Athènes par le parti néonazi Aube Dorée pour commémorer le 460e anniversaire de la chute de Constantinople et de l'empire Byzantin le 29 mai 1453, avancent d'un pas martial en direction du haut de la place, où se trouve le parlement.

Porteurs de torches, les militants martèlent le slogan du parti ultra nationaliste xénophobe, antisémite et violent, représenté pour la première fois au parlement grec après avoir raflé 18 sièges (7%) en juin dernier: «Sang, honneur, Aube dorée», ou encore «La Grèce appartient aux Grecs».


Un spectacle devenu habituel

«Ils crient, c'est pour ça que les gens ont peur, mais nous, nous avons l'habitude, ils ne sont pas méchants, je les ai vus souvent» hasarde le serveur Fotis, 28 ans, blasé par les milliers de manifestations anti-austérité qui sont passées devant sa porte depuis le début de la crise de la dette en Grèce en 2010.

Plus bas dans la rue, un autre serveur, devant le restaurant Ioaki Barbecue, regarde passer la foule, bruyante mais ordonnée. «Ils ne sont pas dangereux, ils célèbrent un événement historique important pour tous les Grecs», affirme celui-ci, sans donner son identité. «Ils n'ont aucun problème avec les touristes étrangers, seulement avec les étrangers sans papier» lance-t-il.

De fait, l'an dernier, à la même date, un Pakistanais qui s'était trouvé sur le chemin de supporteurs du parti Aube dorée lors de ce défilé anniversaire rituel s'est fait agresser par un groupe de 15 à 20 d'entre eux. Depuis, les agressions racistes, dénoncées par le Conseil de l'Europe et plusieurs organisations internationales, se sont multipliées et presque banalisées en Grèce, tandis que le Congrès Juif mondial a demandé -mais en vain- l'interdiction du parti.

Mercredi soir, avant de se mettre en marche, les militants, porteurs du drapeau grec ou de l'emblème de leur parti -un méandre antique grec, rouge, noir et blanc ressemblant à la svastika nazie- ont écouté plusieurs discours aux accents belliqueux contre les Turcs ou les communistes, sur la place de la cathédrale d'Athènes, symbole du coeur de l'orthodoxie grecque.

Démonstration de force sans complexe au lendemain du jour où le ministre de l'Ordre public Nikos Dendias a demandé aux syndicats de limiter le nombre de manifestations dans le centre d'Athènes. Justement pour ne pas incommoder les touristes, porteurs de la manne censée sauver le pays de sa crise.

Sur l'estrade, le chef du parti, Nikos Mihaloliakos, qui a publiquement nié l'an dernier l'extermination des Juifs par les nazis, et l'existence des camps, chambres à gaz et fours crématoires sans être inquiété par la justice, ne craint pas le décorum fasciste, encadré par deux gardes aux mines patibulaires, lunettes réfléchissantes vissées sur le nez.

Dans ce quartier situé à quelques encablures de l'Acropole, où les popes orthodoxes viennent acheter leurs ornements sacerdotaux ou leurs icônes, les touristes se pressent. Au passage du défilé, les plus hardis tentent de prendre des photos, mais en sont souvent empêchés par le service d'ordre.

«Je suis choqué. Je n'arrive pas y croire, si quelqu'un m'avait dit que je verrai ça un jour, je ne l'aurais pas cru»: Antonio Leiva, un touriste chilien, qui a assisté au défilé sur le trottoir de son hôtel, est furieux. «Je n'ai pas peur, je suis triste» dit-il à l'AFP, «je crois fermement dans la liberté d'expression, mais l'encouragement à la haine raciale, cela a une limite». «Ils ont oublié l'histoire».


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