Izzeldine Abuelaish : Le Peuple Palestinien, seul garant de la sécurité d’Israël



Izzeldine Abuelaish est un médecin palestinien né à Gaza dans un camp de réfugiés de Jabalya en 1955. Aujourd’hui, il est médecin chercheur à l’université de Toronto. Connu pour ses positions pacifistes, la perte de ses 3 filles dans l’opération «Plomb durci» ne fera pas bouger ses convictions d’un iota. En 2010, au lendemain des raids israéliens, il écrit un livre intitulé «Je ne haïrai point: Un médecin de Gaza sur les chemins de la paix». L’homme est aussi la cible de plusieurs critiques dans les milieux extrémistes palestiniens. Rencontre singulière avec une voix pour la paix.


- L’Economiste: Qu’est-ce qui est le plus dur, quand on grandit dans un camp de réfugiés?

- Izzeldine Abuelaish: Vous savez, le mot réfugié est lourd de sens, il traduit une situation que je n’arrive toujours pas à réaliser. Il suppose qu’un jour, vous avez eu une terre, une maison, une famille, un revenu. Du jour au lendemain, par la force des armes et de la terreur, vous vous retrouvez sous les tentes, dans le dénuement, attendant les aides humanitaires. L’enfance est donc un mot inconnu pour une personne née dans un camp de réfugiés.

- Justement, en devenant médecin, vous êtes arrivé à réaliser vos rêves «d’enfant»…

- Ma foi a fait que je n’ai pas considéré ma souffrance comme une fatalité. La souffrance de l’humanité entière n’est pas le fait du déterminisme, mais de mains d’hommes. Je n’ai pas intégré l’injustice comme une sorte de malédiction divine, mais plus comme un défi à relever. Et le meilleur moyen pour cela, c’est l’apprentissage et l’érudition. L’éducation est le moyen de faire sortir les peuples de l’obscurantisme. On peut coloniser, tyranniser, mépriser un peuple, mais l’on ne pourra jamais l’empêcher de rêver. J’ai rêvé un jour de devenir médecin, et j’ai travaillé dur pour y arriver.

- Israël, malgré toutes les tentatives de négociation du processus de paix, continue la politique de colonisation, refuse toujours au peuple palestinien le droit à un Etat et bafoue la légalité internationale. Difficile de prêcher l’espoir et la paix dans un tel contexte…

- La cause palestinienne, malgré sa justesse, a été récupérée par beaucoup de régimes politiques. Le discours politique, qu’il soit l’apanage d’un parti politique ou d’une organisation internationale, est foncièrement tronqué. La politique est devenue un métier, ce qui est contraire à son essence. Les intérêts personnels et la recherche du pouvoir ne devraient pas s’étendre à une cause humaniste comme celle de la Palestine. Ensuite, au-delà des problèmes de représentativité au sein même de l’OLP, force est de constater que la communauté internationale fait du deux poids deux mesures. La paix et la stabilité du monde passent par l’écoute des revendications palestiniennes.

- Que risque-t-il d’arriver concrètement, si le statu quo demeure?

- Je le dis et le répète aux Israéliens: votre paix et votre stabilité, ce ne sont pas les Etats-Unis qui vous les procureront. Seul le peuple palestinien peut garantir la sécurité d’Israël! Si Israël continue dans cette politique de l’autruche, avec une approche unilatérale en refusant toute négociation, c’est à sa propre perte qu’il court. Le blocus imposé à Gaza, tout comme la colonisation de la Cisjordanie, peuvent pousser à une explosion de la région, qui connaît déjà des remous avec le conflit syrien et l’instabilité au Liban. Vous savez, nous vivons dans un monde stéréotypé, où les a priori à l’encontre du peuple palestinien sont légion. L’on dit que nous sommes des terroristes. Ce qui est complètement faux. Comme tous les autres peuples, nous souhaitons vivre en paix et en sécurité.

- Cette image de violence n’est-elle pas justifiée?

- La violence ne peut être que le fruit de la violence. Si une personne est privée de sa liberté et de sa dignité, comment peut-on s’indigner de sa violence? Le peuple israélien est aujourd’hui pris en otage par son propre régime, et est victime de la propagande qui veut absolument faire passer les Palestiniens pour des terroristes.

- Votre présence dans les médias ne peut pas se retourner contre vous, et mettre de l’eau au moulin de vos détracteurs?

- On ne peut pas plaire à tout le monde. J’ai conscience que ceux qui prônent la haine et la violence sont légion, notamment au sein de ceux qui défendent la cause palestinienne. Quand j’ai vu mes filles gicler dans leur sang, j’ai fait le serment de ne point haïr. J’ai la conviction qu’un jour justice sera faite, et que tous ces morts ne partiront pas gratuitement. La sagesse est bien plus utile que la haine…

Propos recueillis par Abdessamad NAIMI
Maroc

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