Notre Dame des Landes : un boulet pour l'état ...



Le week-end dernier, ils étaient plusieurs milliers à dire non : 13 500 selon la préfecture, 40 000 selon les organisateurs. Venus de toute la France, ils se prenaient la main pour entourer et défendre la ZAD : la zone d’aménagement différée, rebaptisée “zone à défendre” par les opposants au projet d’aéroport. Une victoire symbolique alors que le gouvernement vient d’autoriser de nouvelles études qui devraient retarder le premier coup de pioche.

Une chaîne très politique

Parmi les maillons de la chaîne, des représentants du Parti de gauche, du NPA, et d’EELV, dont l’ancienne candidate à la présidentielle Eva Joly. “Un pari réussi”, pour Françoise Verchère, conseillère générale (Parti de gauche) et coprésidente du Cedpa, le Collectif d’élus doutant de la pertinence de l’aéroport. “On pouvait craindre une démobilisation, une lassitude, mais les gens restent très concernés par le sort de Notre-Dame-des-Landes”, se réjouit-elle. Ils ont même loué un hélico, pour que les images restent et marquent les esprits.

Une démonstration de force qui “n’impressionne pas” Alexandre Mazzorana-Kremer. Ce proche de Jean-Marc Ayrault, vice-président de Nantes Métropole et conseiller municipal de Nantes (Parti radical de gauche), a lancé un mouvement concurrent : la coordination des élus pour l’aéroport du Grand-Ouest. “Les opposants ne font que cristalliser un certain mouvement de mécontentement autour du Premier ministre”, estime-t-il.

Même remanié, le projet reste absurde”

Jean-Marc Ayrault, Premier ministre, ancien maire de Nantes et ardent défenseur du projet, incarne en effet la bête noire des opposants à “l’Ayraultport”. Pourtant, le chef du gouvernement a récemment lâché du lest : si la construction du nouvel aéroport n’est pas remise en cause, de nouvelles études visant à améliorer le projet initial vont être menées. “C’est la méthode Ayrault”, ironise Françoise Verchère : “On crée une commission du dialogue le temps de laisser passer l’orage. Mais même remanié, le projet reste absurde, il faut se résoudre à l’abandonner.” Des propos qui font pester Alexandre Mazzorana-Kremer :

Une minorité agissante ne peut pas parler à la place de plusieurs centaines de milliers d’électeurs. Vingt-cinq ans que l’on travaille, que l’on multiplie les concertations, ça suffit. C’est une décision entérinée, inscrite dans les programmes et donc validée démocratiquement à chaque élection, locale ou nationale. Elle doit s’appliquer, c’est dans l’intérêt économique de notre pays.”

Françoise Verchère dément : “Tout n’est pas ficelé, contrairement à ce que pensent les porteurs du projet. Nous continuons l’action juridique, notamment au niveau européen. Sur le plan politique, nous mettrons la pression sur les élus lors des élections à venir. Enfin, nous entretenons une puissante mobilisation citoyenne, avec plus de 200 groupes de soutien à travers la France et de nouveaux rendez-vous cet été.”

Il n’y a jamais eu autant d’opposants prêts à rappliquer pour défendre le site.”

Espère-t-elle encore un recul du gouvernement ? “Je crois que cette affaire est devenue un sacré boulet pour l’Etat. De toute façon, ils ne pourraient pas, matériellement, commencer les travaux. La ZAD est occupée par des habitations, des lieux de vie. Il n’y a jamais eu autant d’opposants prêts à rappliquer pour défendre le site.” Alexandre Mazzorana-Kremer s’indigne : “C’est de l’anarchie pure et simple ! Mme Verchère, qui est une élue, se permet de remettre en cause le fonctionnement démocratique, les institutions ? Ça veut dire quoi ?”

Argument contre argument, pro et anti ne désarment pas. Pour les partisans, un nouvel aéroport permettrait de développer le trafic aérien et les échanges dans la région. Pour les opposants, l’actuel est largement suffisant, quitte à l’optimiser. Oui, mais le survol de la métropole nantaise génère bruit et insécurité, répondent les pro. Et puis il y a la querelle écologique. La construction d’un nouvel aéroport mettrait en danger une zone bocagère importante et des espèces protégées, comme les libellules ou les tritons crêtés.

C’est juste absurde”

Une défense balayée par le vice-président de Nantes Métropole : “Si l’on va au bout du raisonnement, c’est juste absurde. Partout où vous voulez faire quelque chose, une autoroute, un aménagement, vous trouverez toujours un hanneton, une grenouille ou une chauve-souris. L’écologie, c’est important, mais ça ne doit pas empêcher le développement du territoire, surtout en période de crise.” Riposte de Françoise Verchère : “On ne peut pas prétendre faire de l’écologie et accepter un projet qui la malmène à ce point.” Et d’ajouter :

Ce serait très grand de la part du gouvernement de renoncer à ce projet. De dire : on y a cru, mais les rapports scientifiques nous ont prouvé que l’on avait tort. Ayrault, je lui fais sa com quand il veut. Il pourra s’accrocher un insigne protecteur de la biodiversité à la boutonnière. Il gagnera des points auprès de la population.”

Alexandre Mazzorana-Kremer assure, quant à lui, “garder une totale confiance dans le gouvernement”, qui, il en est certain, “maintiendra son cap et soutiendra ce projet vital jusqu’au bout.” Au prix d’un passage en force ?

par Alexandre Comte
le 15 mai 2013 à 06h21

les Inrocks

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