Français de l’étranger : la farce électorale de la huitième circonscription


Nous sommes en 2013. En France, République laïque. Suite de l’invalidation de l’élection du député élu en juin 2012, une législative partielle se tiendra le 9 juin prochain dans la huitième circonscription des français de l’étranger, qui couvre l’Europe du Sud, la Turquie et Israël.

Arrivée en troisième position avec seulement 14,62% des suffrages exprimés, la candidate socialiste ne pourra se maintenir ; le second tour opposera deux candidats de droite, Valerie Hoffenberg (UMP) et Meyer Habib (UDI). Jusqu’ici, tout va bien. Apparemment.

A tous égards, pourtant, ce scrutin qui désignera un des 577 députés de la nation s’avère déconnant. Ridiculement grand, tout d’abord, le nombre de candidats : vingt. Ridiculement petit, ensuite, le taux de participation. 11 586 votants pour 111 736 électeurs, soit 10,37 % ! A toutes fins utiles, rappelons que ce retour aux urnes coûte environ 645 000 euros, selon les calculs de BFM-TV sur la base des rapports budgétaires consacrés aux dépenses électorales !



Mais qui a eu cette idée folle de créer ces circonscriptions artificielles ? Nous n’aurons pas la cruauté de jeter ici en pâture le nom d’un ancien président qui tente de reconstruire une vie professionnelle en dehors de la politique.
La singularité de l’élection tient d’ailleurs moins à l’intendance qu’au contenu d’une campagne atypique, pour ne pas dire saugrenue, sidérante, délirante, consternante, inquiétante ou carrément révoltante.

Afin de porter ses couleurs, en effet, l’UMP a choisi une femme qui fut une des représentantes de l’American jewish comitee (AJC), un lobby dont l’objectif est de défendre les juifs et Israël, aux Etats-Unis et dans le monde entier. Le fait d’arme de cette avocate dynamique ? Avoir drainé, au fil des années, des fonds privés alimentant les campagnes de Nicolas Sarkozy.

A ce titre, elle fait la jonction entre les frères ennemis de la droite : Jean-François Copé l’a désigné, tandis que François Fillon l’a soutenu lors d’une visite à Rome. Ainsi les héritiers antagoniques de Nicolas Sarkozy ont-ils voulu promouvoir une future opposante à François Hollande dont l’engagement numéro un est fort éloigné de la politique gouvernementale : « la reconnaissance par tous d’Israël comme « Etat juif » » !

Au jeu du communautarisme, pourtant, Valérie Hoffenberg a trouvé un adversaire coriace. Engagé sous les couleurs de l’UDI de Jean-Louis Borloo, c’est-à-dire du parti qui prétend perpétuer l’héritage républicain des radicaux valoisiens, Meyer Habib a mené une campagne sans fausse barbe.

Pour assurer un bon score en Israël, en effet, ce franco-israëlien qui vante la binationalité, met en avant le soutien du Premier ministre, Benjamin Netanyahou. Indifférent aux traditions hexagonales, il a surtout rallié à sa cause une bande de religieux parfaitement hermétiques aux usages républicains. A preuve, ce message diffusé sur la toile par le Rav Ron Chaya, qui mérite d’être lu dans son intégralité.

« Je me joins à l’appel de nos maîtres le Rav Aharon Leib Steinmann Chalita, le Rav 'Haïm Kanievsky Chalita et Rav Ovadia Yossef Chalita pour soutenir la candidature de Meyer Habib aux élections législatives de la 8ème circonscription. A l’attention des avrékhim et des ba’hourim : Lors de sa visite au domicile du Rav Aharon Leib Steinmann Chalita, le Rav Avraham Bloch lui a demandé s’il fallait interrompre le limoud pour aller voter en faveur de Meyer Habib. Le Rav Steinmann lui a répondu « Kédaï » (cela en vaut la peine).»

Meyer Habib aurait-il oublié qu’un député représente le peuple tout entier ? Certes non. En guise d’œcuménisme, cet ami du chanteur Enrico Macias peut en effet se vanter de réunir sur son nom l’avocat de Patrick Buisson, Gilles-William Goldnadel, mais aussi deux figures médiatiques réputées pour incarner la tendance idéologique exactement opposée, Rama Yade et Chantal Jouannot !

Nicolas Sarkozy, reçu le 23 mai docteur honoris causa à l’université de Netanya (en fait un collège privé académique), a pris soin de ne pas choisir entre ces deux candidats qui se réclament de lui, même si sa présence était un coup de pouce discret à Valérie Hoffenberg.

L’histoire ne dit pas si cet « ami d’Israël » leur a expliqué précisément en quoi consiste la représentation des français de l’étranger à l’Assemblée nationale..



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