Les protestataires d'Istambul au peuple Tunisien
Lettre ouverte
Nos
cher/ère frères et sœurs de Tunisie,
Il
n’y a pas très longtemps, vous avez créé une étincelle dans
votre région qui s’est répandue partout rapidement, devenant le
flambeau qui guide non seulement votre pays, mais aussi beaucoup
d’autres vers un chemin où les régimes oppressifs ne sont plus
tolérés. Cet essor a été fait au nom de la démocratie, de la
liberté et des droits dont vous étiez privés. Vous avez été une
inspiration et le monde vous a regardé mener votre pays vers un
demain plus humain, plus signifié et plus libre.
Aujourd’hui,
en Turquie, nous vivons des moments très importants, marqués par la
solidarité entre les gens qui se révoltent de manière pacifiste
contre un gouvernement oppressif. La police, en qui nous faisons
confiance, que nous appelons quand nous avons besoin d’aide, qui a
juré de nous protéger nous attaque avec des armes chimiques qui
brulent la chair, différents types de gaz qui nous empêche de
respirer, de l’eau à haute pression, des balles plastiques qui
sont tirées directement sur la tête des gens. Pourquoi ? Parce que
nous avons agi comme notre constitution nous permet d’agir : nous
avons protesté.
Il
y a cinq jours, les habitants du quartier de Taksim à Istanbul ont
commencé à protester contre un projet de construction d’un centre
multi-fonctionel au lieu du seul parc restant du quartier. Ils
étaient des écologistes qui voulaient simplement faire arrêter la
construction donc ils ont pris leurs tentes et commencé à y faire
un camp. Un jour à 5 heures du matin, la police a lancé une
opération et a pulvérisé les gens avec le gaz poivre et l’eau à
haute pression alors qu’ils dormaient sous leur tentes.
Cette
opération contre une simple manifestation qui se faisait en paix a
eu une importante réponse de toute la Turquie. Aujourd’hui, des
centaines de milliers de personnes sont venus à İstanbul, et il
existe des mouvements de résistance dans de nombreuses autres villes
qui dénoncent la violence de la police qui est complètement
arbitraire et qui va contre tout principe démocratique. La foule est
devenue immense, pourtant ils restent ensemble et calmes, ils
s’avertissent les uns les autres pour pouvoir rester calme aux
moments de tension et pour éviter tout acte de violence en dépit de
l’utilisation disproportionnée de la force de la part de la
police. Du coup, aujourd’hui, nous sommes unis. Aujourd’hui, nous
ne nous battons plus. Aujourd’hui, nous résistons.
Chaque
jour, il devient plus clair que nous sommes des pacifistes qui
n’essayent que de se protéger, tandis que la réponse de la police
devient de plus en plus brutale. Une recherche rapide apportera
devant vos yeux des milliers d’images atroces, des vidéos et des
histoires personnelles des manifestants. Vous verrez des images d’une
fille seule, battue et insultée par 10 policiers. Vous verrez les
policiers jeter les bombes de gaz dans des immeubles d’habitation
et verrouiller les portes afin que les gens ne puissent pas sortir.
Vous verrez les policiers pulvériser par les gaz des mosquées où
les jeunes volontaires réalisent les premiers secours pour sauver
les blessés. Pourtant, cela va vous montrer une solidarité qui n’a
jamais été vu jusqu’à ce jour en Turquie.
Nous
sommes devenus un peuple qui se sent coupable quand il va se coucher,
quand il n’est pas dans les rues avec ses amis, à respirer le gaz
chimique constamment pulvérisé sur eux. Le soir, nous devenons des
chimistes, des pharmaciens, des infirmiers, des agents de
renseignement et des journalistes; et simplement des amis. Or, à
travers la même recherche, dans les rues vous verrez des gens se
faire des boucliers humains pour protéger des inconnus. Vous verrez
des gens qui protègent et se soutiennent les uns des autres par tous
les moyens possibles.
Vous
verrez les manifestants résister, main dans la main, pendant toute
la nuit et nettoyer les rues qui ont vu leur combat de la veille
pendant la journée – à nouveau main dans la main. Vous verrez un
flux irrépressible d’informations entre les manifestants à
travers les médias sociaux et les émetteurs-récepteurs, malgré
les restrictions sur les moyens de communication adoptées par le
gouvernement pour nous empêcher d’utiliser notre droit
démocratique de citoyens dignes, pour protester et se faire
entendre.
Nos
chaînes d’information opprimée par le gouvernement refusent de
montrer ce qui se déroule sous leurs yeux, c’est pour ça que vous
voyez les gens s’organiser pour que tout le monde soit au courant
de cette férocité à la fois en Anatolie et dans le monde entier.
Cette violence contre les générations qui sont l’avenir de notre
beau pays n’est plus tolérable. Nous ne sommes pas des
terroristes, et nous refusons d’être perçus comme tel.
Aujourd’hui,
nous sommes unis. Aujourd’hui, nous sommes Un. Nous refusons d’être
associés à un parti politique ou une idéologie. Notre idéologie
est la liberté et la démocratie. Nous sommes des personnes de tous
âge, de toutes religions, de toutes minorités ethniques, de toutes
idéologies qui, épaule contre épaule, se révoltent contre un
gouvernement qui ne respecte pas les principes d’une véritable
démocratie.
Nous
nous révoltons contre notre Premier ministre, qui a répondu à nos
appels en nous rappelant qu’il détenait 50% de la population de la
Turquie qui ont voté pour lui et s’il le veut, il pourra
rassembler un million de personnes pour aller dans la rue et se
révolter contre nous. C’est très dommage, car nous ne sommes pas
contre une partie de notre population; nous sommes contre la
mentalité qui perçoit le pourcentage de ses votes comme une source
de légitimité pour ses actions arbitraires. Or, ceci n’est pas
comment une démocratie est définie; une démocratie est
polyphonique pendant et après les élections.
Nous
nous révoltons donc contre ce même système dont chaque communauté
a souffert dans différentes périodes de l’Histoire de la Turquie
moderne; la communauté islamique, laïque, kurde, arménienne et
plusieurs autres. Nous revendiquons aujourd’hui, le droit d’être
entendu et respecté par le gouvernement qui a la fonction de nous
protéger et de nous rendre le droit de vivre comme des êtres
humains dignes de respect dans notre pays que nous aimons. Nous
voulons que notre Premier ministre arrête les forces de police et
nous laisse nous exprimer. De cette façon, il va voir que c’est
ses propres jeunes qu’il est en train d’attaquer et personne
d’autre.
La
raison pour laquelle nous vous écrivons cette lettre est que cette
semaine, notre Premier ministre Tayyip Erdoğan va visiter votre pays
au lieu de rester en Turquie et de régler la situation qui est
arrivée au point de causer les morts de nos amis. Cela nous indique
que malheureusement, il ignore tous ceux qui sont morts et blessés
par suite de l’application brutale de ses directives par les forces
de la sécurité. Cette lettre est notre cri, notre appel à vous, à
nous aider, à nous rejoindre dans notre protestation en vous-même
protestant son arrivée en Tunisie.
S’il
vous plait, montrez-lui que nous ne sommes pas seuls. Montrez-lui que
les manifestants pacifiques et démocratiques gagnent toujours, comme
vous l’avez montré au monde entier.
Au
nom de la paix, de la liberté et de l’expression.
Vos
frères et sœurs en Turquie
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