Bradley Manning plus sévèrement puni que tous les tortionnaires réunis
CE
QUE LE PROCÈS BRADLEY MANNING NOUS APPREND DE LA JUSTICE MILITAIRE
AMÉRICAINE
Michael
Moore
31 juillet 2013
Hier,
vingt chefs d'accusation sur vingt-deux ont été retenus contre
Bradley Manning, parmi lesquels la violation de "l'Espionage
Act" ("loi sur l'espionnage"), le dévoilement
d'informations confidentielles et la désobéissance aux ordres.
Voilà pour la mauvaise nouvelle. La bonne nouvelle, c'est que
l'accusation "d'aide à l'ennemi" n'a pas été retenue.
C'est parce qu'il nous a aidés nous, les Américains. Et nous ne
sommes pas l'ennemi, n'est-ce pas?
Le
colonel Thomas Pappas, l'officier en charge des renseignements
à Abu Ghraib, présent la nuit du meurtre du prisonnier irakien
Manadel al-Jamadi, n'a pas été condamné à de la prison ferme.
Mais il a reçu une réprimande et une amende de 8000$ (Thomas Pappas
aurait dit, à propos d'al-Jamadi: "Hors de question que je sois
le seul à tomber pour ça").
Bradley
Manning encourt désormais une peine maximale de 136 années de
prison. Quand sa peine sera annoncée, aujourd'hui, nous pourrons
tous nous faire une idée de ce que l'armée américaine considère
comme un crime grave ou non. Quand on voit le temps que Manning va
passer en prison - vingt-cinq ans à compter d'aujourd'hui - il
serait bon de comparer sa peine avec celles d'autres soldats:
Le
sergent Sabrina Harman, célèbre pour avoir posé près du
corps d'al-Jamadi, le pouce en l'air, et, dans une autre photo, le
sourire aux lèvres, à côté d'Irakiens nus, encapuchonnés et
entassés les uns sur les autres, a reçu une peine de six mois pour
mauvais traitements sur prisonniers.
Le
soldat 1ère classe Armin Cruz a été condamné à huit mois
de prison pour des violences sur des Irakiens à Abu Ghraib et pour
avoir dissimulé les faits.
Le
soldat 1ère classe Steven Ribordy a été condamné à huit
mois de prison pour complicité au meutre de quatre prisonniers
irakiens, qui étaient "attachés, yeux bandés, se sont fait
tirés dessus et jetés dans un canal" à Bagdad en 2007.
Le
soldat 1ère classe Belmor Ramos a été condamné à sept
mois de prison pour préméditation d'assassinat dans la même
affaire.
Le
sergent Michael Leahy a été condamné à perpétuité pour
quatre meurtres à Bagdad. L'armée lui a ensuite accordé sa
clémence et réduit sa peine à vingt ans, avec possible libération
conditionnelle au bout de sept ans.
Le
sergent Marine Frank D. Wuterich n'a pas été condamné à la
prison pour négligence et manquement à son devoir pour massacre de
24 hommes, femmes et enfants non-armés, dans la ville irakienne
Haditha, en 2005. Sept autres membres de son bataillon ont été
poursuivis, mais aucun n'a été puni, d'une manière ou d'une autre.
Les
Marines Jerry Shumate et Tyler Jackson ont tous les deux été
condamnés à vingt et un mois pour coups et blessures sur Hashim
Ibrahim Awad, 52 ans, père de onze enfants et grand-père de quatre
petits-enfants, à Al Hamdania en 2006. Awad est décédé après
qu'on lui a tiré dessus pendant l'attaque. Leurs peines ont ensuite
été réduites.
Robert
Pennington, caporal de la Marine, a été condamné à huit ans
de prison dans la même affaire, mais n'a purgé que quelques mois de
peine avant d'être libéré.
Lawrence
Hutchins, sergent de la Marine, a reçu quinze ans de prison pour
meurtre dans l'affaire Hashim Ibrahim Awad, mais sa peine a
rapidement été annulée et Hutchins libéré.
Aucun
soldat n'a été condamné pour le meurtre de cinq enfants irakiens,
ainsi que de quatre femmes et deux hommes, dans une maison d'Ishaqi,
en 2006. Parmi les câbles diplomatiques mis en lumière par
Bradley Manning, figurait un e-mail d'un fonctionnaire des Nations
Unies déclarant que les soldats américains "les avaient tous
exécutés". Quand Wikileaks a publié le câble, le tollé en
Irak a été si important que le gouvernement al-Maliki a dû arrêter
de promettre l'immunité aux troupes américaines restant sur son
sol. Conséquence: l'administration Obama a abandonné ses plans de
laisser de manière permanente plusieurs milliers de soldats
américains en Irak. L'intégralité des troupes américaines a été
rappelée fin 2011.
À
mon avis, Bradley Manning est parti pour passer plus de temps en
prison que tous les autres soldats, dans tous les procès réunis.
Ainsi, au lieu de tout faire pour nous faire pardonner et racheter
les crimes révélés par Manning, nous allons montrer au monde
entier qui nous sommes vraiment.
Michael Moore
Huffington Post
Commentaires
Enregistrer un commentaire