Le cyclisme féminin victime du machisme des médias
Pour cette Route de France, le premier prix est de 315 euros, contre, par exemple, 450.000 euros remis au récent vainqueur du Tour de France Chris Froome. C'est 1.500 fois moins..
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Les coureuses de la Route de France, entre Saint-Fargeau et Pougues-les-Eaux, le 8 août 2013 |
La
"Route de France féminine", qui se termine ce samedi, est classée parmi les plus grands événements internationaux du circuit féminin. Elle réunit les meilleures cyclistes du monde. Si le public sur place répond au rendez-vous, les médias ne suivent guère. Interview d'Hervé Gérardin, directeur de la société "Routes et Cycles".
Historiquement,
quelle a été la couverture médiatique du cyclisme féminin, avant
la "Route de France" ?
-
Jean Leulliot a lancé le premier tour féminin en 1955. Par la
suite, la société qui gère le Tour de France a organisé dans les
années 1980-1990 un Tour de France féminin qui durait 15 jours, en
avant-première du Tour masculin. Les filles parcouraient les 80
derniers kilomètres du parcours des hommes.
Elles
ont alors bénéficié de la médiatisation des garçons. Mais ça
s'est arrêté, et une autre épreuve qui avait émergé s'est
interrompue aussi dans les années 2000. Lancée en 2006, la Route de
France que j'organise aujourd'hui fête cette année sa septième
édition.
Quel
constat dressez-vous de la médiatisation dont bénéficient les
filles ?
-
Malheureusement maintenant, nous sommes isolés. Très peu de médias
s'intéressent à ce cyclisme féminin. C'est dommage car elles le
méritent : elles courent comme les garçons. Je trouve ça un peu
navrant de ne pas voir la presse nationale s'intéresser de plus près
à ces athlètes.
Pourquoi
le cyclisme féminin est-il aussi peu traité par les médias ?
-
A une certaine époque, nous avions Jeannie Longo, excellente
cycliste française de premier plan. Aujourd'hui, elle s'est retirée.
Il nous faudrait une remplaçante pour incarner cette discipline et
reprendre sa place dans les médias.
Cette
faible médiatisation est dommageable pour les femmes...
-
Oui. Elles méritent autant de visibilité que les hommes. Et elles
travaillent très dur pour pratiquer ce sport : trois quarts des
filles qui concourent sur cette épreuve sont amateurs. C'est très
compliqué pour elles d'arriver à tout gérer.
Par
exemple, Elise Delzenne, championne de France en titre, sacrée au
mois de juin, ne peut pas être sur la course car elle n'avait plus
de congés pour pouvoir participer... ça vous dit l'état dans
lequel est le cyclisme féminin aujourd'hui.
Que
préconisez-vous pour changer cette écart de traitement entre femmes
et hommes ?
-
Ce qui nous manque aujourd'hui, ce sont les partenaires, qui
recherchent la médiatisation... Actuellement, c'est difficile de
mettre en place l'épreuve, car on est encore entourés de peu de
partenaires.
Plus
généralement, il faudrait une ou deux équipes féminines, par
exemple une de la Française des jeux, ou une formation Cofidis
féminine. Alors, on passerait un cap supérieur, et les filles
pourraient peut-être devenir semi-professionnelles, à défaut de
professionnelles.
Pour
cette Route de France, le premier prix est de 315 euros, contre, par
exemple, 450.000 euros remis au récent vainqueur du Tour de France
Chris Froome. C'est 1.500 fois moins...
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C'est parce qu'il nous manque des partenaires privés. J'ai une
équipe de 80 bénévoles qui se démènent pour faire fonctionner la
Route de France, nous accueillons 90 athlètes venues des quatre
coins du monde avec un budget de 300.000 euros. On ne peut faire
aucune comparaison avec le Tour de France, nous sommes encore à des
années lumières du cyclisme masculin. Demain, de grosses
entreprises vont venir sur l'épreuve, si elles devenaient
partenaires je pourrais doubler ou tripler les prix de mon épreuve.
Que
ressentent les filles, face à cette inégalité médiatique ?
-
Elles ne comprennent pas pourquoi les médias ne s'intéressent pas
davantage à elles. Alors qu'en Italie, par exemple, il y a une
épreuve similaire, et la télévision est là tous les jours.
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