France : les Roms condamnés à l'errance
Dans
un nouveau rapport sur la situation des Roms en France, Amnesty
International dénonce une politique insuffisante qui n’a pas interrompu
le cycle infernal des expulsions forcées.
Il
repose sur des recherches menées sur l’Ile de France mais également sur
les agglomérations de Lille et de Lyon qui concentrent à elles seules
près d’un quart de la population rom en France. Le rapport s’appuie sur
de nombreux témoignages et entretiens menés auprès d’associations,
collectifs de soutien, avocats, institutions indépendantes et personnes
roms.
Il
passe notamment en revue plusieurs dispositifs « d’anticipation et
d’accompagnement des opérations d’évacuation des campements illicites »
préconisés par la circulaire interministérielle du 26 août.
Une politique insuffisante
Il
souligne l’importante distorsion entre les dispositions de la
circulaire et l’application qui en est faite de la part des préfets. La
conséquence est qu’invariablement les dispositifs mis en place sont
largement insuffisants et inefficaces car ils n’ont pas pour objectif
principal la mise à l’abri des personnes et des familles excepté pour
quelques individus considérés comme « vulnérables ».
Les
évacuations sont menées en dépit des normes du droit international qui
prévoit que des garanties soient mises en place afin de ne pas rendre
les familles sans abri. A l’inverse, les familles continuent d’être
expulsées sans avoir été ni informées, ni consultées et sans se voir
proposer de solutions d’hébergement adaptées ou de relogement.
Le manque de protection juridique : l’expulsion du squat de la rue Sidoine, à Lyon
L’évacuation
du squat de la rue Sidoine Apollinaire dans le 9e arrondissement de
Lyon a eu lieu le 10 juillet 2013 à 7 heures. Les autorités ont indiqué
que cette expulsion se basait sur une ordonnance d’expulsion qui datait
de novembre 2011. Or cette décision visait les occupants qui avaient
quitté l’immeuble en été 2012 et avaient été remplacés par des familles
roms après leur départ. L’ordonnance qui a justifié cette évacuation ne
visait donc pas les familles roms expulsées.
Pour
autant, les familles ont bien été expulsées sans avoir été consultées
par les autorités en amont de l’évacuation, et elles n’ont reçu aucune
information concernant l’expulsion. Aucune solution d’hébergement n’a
été proposée. Les 45 habitants environ, parmi lesquels 14 enfants et
une femme qui était sur le point d’accoucher, ont été rendus sans abri.
Les conséquences des expulsions : le témoignage d’Adela
Adela,
26 ans, habite en Île-de-France depuis 2002. Elle vit avec son mari
Gheorghe et ses trois enfants dans un campement informel à Grigny, et
elle est sur le point d’accoucher. Elle a été expulsée de Ris Orangis
le 3 avril 2013 suite à un arrêté municipal, ce qui constituait d’après
elle sa quinzième expulsion depuis qu’elle vit en France.

Adela
Après
l’expulsion, Adela a d’abord été hébergée cinq jours dans un hôtel à
Nanterre, puis une semaine à Saint-Ouen. Ses trois enfants étaient
scolarisés à Viry Chatillon, où elle avait vécu deux ans et demi, la
plus longue période de stabilité qu’elle ait connu. En raison de la
distance entre les hôtels et Viry Chatillon, ses trois garçons de 5, 8
et 11 ans n’ont pas été à l’école jusqu’à ce qu’elle se réinstalle à
Grigny sur un autre campement informel deux semaines environ après
l’expulsion.
Amnesty
International rejoint les recommandations du Défenseur des droits dans
son bilan d’application de la circulaire, et exhorte le ministre de
l’Intérieur à rappeler à tous les préfets que les opérations
d’évacuation doivent être effectuées en conformité avec les normes du
droit international relatif aux droits humains.
Enfin,
l’organisation regrette les propos qui sont tenus régulièrement par des
personnalités politiques qui perpétuent les clichés et attisent les
réactions d’animosité et de rejet. Le sort des Roms ne doit pas être
réglé au regard des déclarations stigmatisantes et de vagues
d’expulsion vers le pays d’origine. Il ne le sera que par
l’affirmation d’une volonté politique d’accueillir des êtres humains
qui n’aspirent qu’à une vie normale et à devenir des européens comme
les autres.
Rappel du contexte
La sortie de ce rapport s’inscrit dans le cadre de la campagne menée par Amnesty International contre les expulsions forcées.
Selon Amnesty International il est primordial d’interdire tout recours aux expulsions forcées car :
- Elles sont illégales au regard des normes du droit européen et international.
- Elles aggravent les conditions de vie des personnes et les condamnent à l’errance.
- Elles entraînent des ruptures de parcours scolaire et de parcours de soin.
- Elles sont traumatisantes pour les enfants notamment.Elles mettent en échec tout processus d’intégration.
- Elles sont contraires à la dignité humaine.
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