La dérive d'un vaisseau fantôme infesté de rats cannibales


Il y a un peu moins d'un an le Lyubov Orlova disparaissait des écrans radars. Cet ancien paquebot russe, destiné à l'exploration scientifique, était laissé à la dérive dans les eaux internationales au large du Canada, suite à la rupture de son câble de remorquage. Immobilisé depuis trois ans dans le port de Saint-Jean de Terre Neuve en raison d'impayés, ce bateau de 100 mètres de long pour quelque 1400 tonnes devait être conduit en République dominicaine pour son démantèlement. Après avoir un temps menacé une plate forme pétrolière, les autorités canadiennes l'abandonnent à son sort lorsqu'il quitte les eaux territoriales. Le 12 mars 2013, il est repéré une dernière fois au milieu de l'Atlantique Nord.

Or, à en croire des informations qui circulent sur le net depuis jeudi, le Lyubov Orlova serait désormais sur le point de toucher terre quelque part le long des côtes britanniques. Mais surtout, les milliers de rats pullulant à son bord, et qui n'ont pu survivre qu'en se dévorant les uns les autres, se retrouveraient ainsi lâchés en pleine nature. Un véritable risque sanitaire, donc.


Un fantôme à la surface des mers


C'est un article du tabloïd britannique The Sun qui a lancé la rumeur. Un certain Pim de Rhoodes, présenté comme un chasseur belge d'épaves, y prétend savoir que le navire «flotte quelque part» au large de la Grande-Bretagne, mais surtout qu'il regorge de rats cannibales. «Si je monte à bord, il va falloir que je mette du poison partout», explique-t-il. Ces déclarations, largement relayées sur la toile, ont suffi à relancer la légende du navire fantôme. Mais, comme l'explique le site de la Smithsonian Institution, un organisme américain de recherche scientifique, De Rhoodes ne dispose d'aucune preuve matérielle pour affirmer sa théorie, que ce soit quant à la localisation du navire ou sur ses inquiétants passagers de fortune.


L'association française Robin des Bois, qui lutte à l'échelle internationale pour la préservation de l'environnement, s'était déjà inquiétée du destin du Lyubov Orlova, resté de long mois à croupir à Saint-Jean de Terre Neuve. Il avait déjà été question des rats et cafards qui infestaient le navire, attirés par des restes de nourriture. Lorsque le bateau est parti à la dérive, l'association avait calculé, tenant compte des courants et des vents, qu'il risquait de venir s'échouer en Europe du Nord. Pour Jacky Bonnemains, fondateur des Robins des Bois, le Canada reste le premier responsable: «un État voyou en ce qui concerne le sort des navires abandonnés.» Il site l'exemple du Canada Miner, un transporteur d'hydrocarbures, échoué depuis 2011 en Nouvelle-Écosse.


« Le nom du Lyublov Orlova restera gravé dans l'histoire marine »


Aujourd'hui, pour Jacky Bonnemains la théorie la plus plausible concernant le Lyubov Orlova est celle du naufrage, arguant notamment que le 23 février 2013, la balise de détresse du navire s'était activée. «C'était un bateau en mauvaise état avec une gîte, qui a été victime de voix d'eau et d'un petit incendie. Une tempête, un bris de hublot ou une collision avec un iceberg ont pu le couler. Nous pensons que l'épave se trouve dans l'Atlantique nord, sans doute par 2000 à 3000 mètres de fond», explique-t-il, tout en reconnaissant qu'à ce jour ni débris, bouées ou chaloupes n'ont été retrouvés pour justifier cette hypothèse. «Sans doute, le nom du Lyublov Orlova restera gravé dans l'histoire marine pour l'éternité. Il appartient aux légendes de la mer, au mythe du vaisseau fantôme qui veut qu'un navire, privé d'équipage, puisse survivre à la surface des océans, quelques fois pendant plusieurs décennies», poursuit-il.

L'incroyable odyssée d'un navire maudit


Baptisé du nom de l'actrice soviétique favorite de Staline, le Lyubov Orlova est lancé en 1976 pour effectuer des croisières scientifiques en Antarctique. Après avoir battu pavillon russe pendant vingt-trois ans, il est racheté en 1999 par une compagnie des Îles Cook qui le fait rénover. Il s'échoue en 2006 sur l'île de la Déception dans les Shetland. Remis à flot, il est immobilisé à partir de 2010 à Terre-Neuve en raison des déboires financiers de son propriétaire ; l'équipage n'a pas été payé depuis cinq mois. En 2012, il est finalement vendu pour être démantelé en République dominicaine, une destination qu'il n'atteindra jamais.

Les gardes côtes britanniques ont indiqué à la BBC n'avoir repéré aucun navire à la dérive. Chris Reynolds, chef des gardes côtes irlandais, a tenu le même discours. Il précise néanmoins «rester vigilant», car pour lui les tempêtes de ces derniers mois n'auront pas suffit à couler un vaisseau de cette taille.
Le Figaro

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