La sixième puissance du monde ne peut pas laisser crever autant de personnes à la rue



Plus de 15 millions de personnes touchées par la crise du logement: la Fondation Abbé Pierre dresse le tableau d’une France «malade du mal-logement» et appelle, dans son rapport annuel publié ce jeudi, à plus de «volontarisme politique».

Hausse du nombre de personnes sans domicile, renonçant à se chauffer, ou contraintes de vivre chez des tiers : de nombreux indicateurs sont au rouge, indique ce bilan, issu de l’exploitation de la dernière édition de l’enquête nationale logement (Enl) 2013 de l’Insee, dont les principaux chiffres avaient été dévoilés en décembre.

Au total, 3,8 millions de personnes sont mal-logées et 12,1 millions de personnes sont «fragilisées», soit «15 millions de personnes touchées, avec une intensité diverse, par la crise du logement», a souligné Christophe Robert, délégué général de la Fondation Abbé Pierre, lors d’une conférence de presse. Chiffre marquant, le nombre de sans-abri qui a bondi de 50% entre 2001 et 2012 : 141 500 personnes se retrouvent à la rue, à l’hôtel, sous un abri de fortune ou en centre d’hébergement.

En outre, près de 2,9 millions de personnes vivent dans des conditions très difficiles, dont 2,1 millions ne possèdent pas d’eau courante, de WC intérieurs, de douche, de moyen de chauffage ou de coin cuisine, ou vivent dans un immeuble à la façade très dégradée. Et 934 000 personnes vivent en «surpeuplement accentué», c’est-à-dire qu’il leur manque deux pièces par rapport à la norme de peuplement (+17% entre 2006 et 2013).

Pour Christophe Robert, «il y a une aggravation du mal-logement qui touche avant tout les classes populaires». Le taux d’effort net moyen (loyer + charges - allocations logement) des ménages les plus pauvres atteint ainsi 55,9 %, plus de trois fois supérieur à la moyenne (17,5 %).
Des engagements «reniés»

Dans le même temps, l’extrême pauvreté, c’est-à-dire les personnes touchant moins de 40% du revenu médian (660 euros par mois et par unité de consommation), qui avait diminué entre 1996 et 2002, est repartie à la hausse. «Le logement est le reflet des inégalités mais il est aussi accélérateur des inégalités», souligne le délégué général de la Fondation Abbé Pierre.

Côté politique, si la fondation se félicite de «certaines avancées» comme le chèque énergie qui doit remplacer en 2018 les tarifs sociaux de l’électricité et du gaz pour les ménages modestes, elle constate que certains engagements politiques «ont été tout simplement reniés».

Ainsi de la garantie universelle des loyers, une des mesures phares de la loi Alur votée en 2014 puis abandonnée car jugée trop coûteuse. Quant à certains objectifs annoncés comme la construction de 500 000 logements par an, dont 150 000 logements sociaux, ils «sont bien loin d’être atteints», souligne le rapport.
«La sixième puissance du monde ne peut pas laisser crever autant de personnes à la rue»

La Fondation Abbé Pierre appelle une nouvelle fois les pouvoirs publics à agir, en particulier en construisant des logements, et surtout des logements sociaux accessibles aux ménages les plus modestes. Elle demande aussi que les pouvoirs publics logent les ménages reconnus prioritaires Dalo (Droit au logement opposable), mènent une politique de prévention des expulsions locatives et des évacuations de terrain et régulent les marchés de l’immobilier.

«Engageons des politiques volontaristes !», exhorte Christophe Robert. «Il reste un an et demi à ce gouvernement pour finir ce quinquennat. Il faut mettre à l’abri tous ceux qui sont en difficulté et il faut engager une véritable politique structurelle pour enrayer ce processus d’exclusion par le logement».

Alors que près de 500 décès de sans-abri sont dénombrés chaque année, la Fondation Abbé Pierre incite à un sursaut : «La sixième puissance du monde ne peut pas laisser crever autant de personnes à la rue comme cela se passe encore aujourd’hui.»
 

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