Prétexte providentiel : l’enfant, les casseurs et l’hôpital Necker
Depuis le temps qu’ils se frôlent, les deux thèmes.
Ou plutôt, qu’on les frotte l’un à l’autre comme des silex, qu’on les
tricote dans le récit politico-médiatique dominant. Terrorisme et
contestation sociale : depuis le temps que les Giesbert, les Gattaz et les autres
essaient de les apparier, de les marier, de faire prendre la
mayonnaise. Depuis le temps qu’on exploite les concomitances, qu’on
sollicite les rapprochements, qu’on déchaine le matraquage sémantique :
voyous, chantage, violences, barbares, intimidations, preneurs
d’otages, terroristes.
Depuis le temps qu’on interdit des manifs anti-Cop
21, au motif de l’état d’urgence. Qu’on perquisitionne des maraîchers
bio, au nom de l’état d’urgence. Depuis le temps, qu’on aimerait tant
transformer la CGT, et toute la contestation anti-loi Travail, en
mouvement terroriste. Depuis le temps que tous les moyens sont bons.
Les vitres de l’hôpital brisées
Et voilà que se trouve le prétexte providentiel,
en
la personne d’un petit garçon de trois ans. « Les vitres de l’hôpital
Necker brisées alors qu’il y a l’enfant des policiers qui s’y trouve,
c’est inacceptable », dit Cazeneuve à Pujadas. Trop beau pour être
vrai ? Et pourtant, apparemment, c’est vrai :
le petit orphelin, dont les deux parents policiers ont été poignardés
par un « radicalisé » dans les Yvelines, se trouvait à l’hôpital des
Enfants malades, pour le début d’un long protocole de suivi et
d’accompagnement, tandis que plusieurs baies vitrées de l’hôpital
étaient défoncées à coups de masse par des casseurs, en marge d’une
nouvelle manif anti-loi Travail.
C’est
une coïncidence, rien d’autre qu’une coïncidence. Les casseurs ne
savaient évidemment rien de la présence de l’enfant à l’hôpital.
Peut-être ne savaient-ils même pas qu’ils s’attaquaient à un hôpital.
Mais quelle belle occasion ! Un hôpital ! Plus
fort encore, un hôpital d’enfants malades. Et encore mieux, un hôpital
où se trouve l’enfant orphelin de parents policiers assassinés la veille
par un islamiste radicalisé. Un peu plus tôt dans la journée, avant la
casse des baies vitrées de Necker, Cazeneuve avait appelé « tous ceux
qui s’attaquent aux policiers » à retrouver « un peu, au fond
d’eux-mêmes, d’humanité, de tolérance, simplement en respect (...) de ce
petit enfant ».
Disons-le, il aurait eu bien tort, Bernard
Cazeneuve, de ne pas se précipiter sur ce rapprochement, que lui ont
servi sur un plateau les masqués de la manif, et qui permettra au récit
dominant de passer sous silence le manifestant grièvement blessé,
quelques instants plus tôt, par une grenade lacrymogène, ou les
suppressions d’emploi à l’hôpital, autrement plus destructrices pour le
service public. Comment les qualifier autrement, les casseurs masqués,
que les meilleurs alliés du gouvernement ?
Initialement publié sur Arretsurimages.net
lu sur Rue 89
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