Winnie Mandela ne meurt pas, elle se multiplie en des millions de fleurs rouges
Winnie Mandela ne meurt pas, elle se multiplie en des millions de fleurs rouges ( Malema)
Winnie Mandela n’était pas une femme de concessions. Sa résistance à tout prix et son franc-parler, inspirent parmi la nouvelle génération de militants, notamment parmi les femmes noires, nombreuses à lui rendre hommage sur les réseaux sociaux. «C’est un volcan qui vit en chacun de nous», dit Naledi Chirwa, une jeune activiste féministe sud-africaine, qui promet de poursuivre sa révolte contre les inégalités et «le patriarcat».
Winnie Mandela n’était pas une femme de concessions. Sa résistance à tout prix et son franc-parler, inspirent parmi la nouvelle génération de militants, notamment parmi les femmes noires, nombreuses à lui rendre hommage sur les réseaux sociaux. «C’est un volcan qui vit en chacun de nous», dit Naledi Chirwa, une jeune activiste féministe sud-africaine, qui promet de poursuivre sa révolte contre les inégalités et «le patriarcat».
Injustice
Dans les tribunes,
peu de dignitaires étrangers, aucune des stars mondiales qui
aimaient tant venir chauffer leur
aura à celle de l’ANC des grandes années. Il n’y a là que les
habitués de la maison d’Orlando Ouest, y compris quelques vieux
amis de l’étranger, en tout petit nombre, mais qu’importe. Cela
ne fait que resserrer l’assemblée
sur elle-même. On pourra d’autant plus facilement utiliser l’isiZulu
ou l’isiXhosa pour les discours.
Nul ne se souvient des mots prononcés
par les présidents du monde entier
lors de l’enterrement de Nelson
Mandela, en 2013. Que peut bien avoir dit
Obama, ce jour-là ? Avec celle qui enrageait d’être
présentée comme « sa femme » dans les dernières années
de leur mariage devenu malheureux, ce sera tout à fait différent.
L’une de ses deux filles, Zenani,
aborde frontalement la question qui blesse : au moment du décès
de Winnie Mandela, des articles jugés assassins ont déclenché un
grand mouvement d’opinion en Afrique
du Sud, créant un phénomène de rejet,
d’écœurement, bien au-delà de la famille. L’impression
dominante est d’avoir assisté à une répétition de l’injustice
faite à Winnie Mandela tout au long de sa vie : on a rappelé
toutes ses frasques, les débordements meurtriers de son groupe de
sécurité, le Mandela United Football Club.
On a un peu oublié ses souffrances,
ses luttes, son courage. Comment ne pas voir la
continuité ? Zenai affirme que « cela dure
depuis vingt-cinq ans », depuis que l’affaire Stompie a
éclaté, du nom de ce petit activiste torturé et tué par des
membres de l’entourage de Winnie. Or, d’anciens policiers du
temps de l’apartheid ont joint leur voix à la confusion, indiquant
après toutes ces années qu’ils avaient été missionnés pour
lui nuire, saper sa
réputation. Certains affirment que dans ce crime, Winnie n’était
pour rien. Les membres du Mandela United Football Club étaient au
fond le reflet d’une époque, toute de violence aveugle, et de
manipulations.
Toujours debout
Mais Winnie Mandela a payé, au sein de
son propre parti. Pendant les années qui ont suivi la fin de
l’apartheid, elle n’a été qu’un temps à la tête de la Ligue
des femmes de l’ANC, et bien que présente dans le Comité exécutif
national, n’a jamais occupé l’un des six postes de direction du
parti. Thabo Mbeki, l’ancien président, la
jugeait « populiste » et n’a jamais
caché le dédain qu’elle lui inspirait.
Ils s’étaient du reste écharpés
sur un sujet brûlant. Alors que le chef de l’Etat était arrivé à
la conclusion que le sida n’existait
pas, selon une série de raisonnements torturés, Winnie Mandela,
elle, clamait haut et fort que cette opinion était criminelle,
conduisant à laisser mourir
des foules de malades faute de traitement. Personne n’a oublié,
dans le stade d’Orlando Ouest. Lorsque le nom de Thabo Mbeki est
cité parmi les personnalités assistant
à la cérémonie, il est copieusement hué. Pendant les heures qui
suivent, masque de cire, il reste tétanisé, alors que le stade tout
entier donne libre cours à son émotion, ondule, chante, applaudit…
Winnie Mandela, jamais, n’a laissé
indifférent. Et Zenani prend les accents de cette femme toujours
debout malgré les duretés de la vie, pour dire son courroux, de
l’avoir vue jugée avec tant de sévérité alors que le même
traitement était épargné « à ses homologues
masculins ». « Nous nous sentons offusquées
(avec sa sœur) qu’on l’ait dépeinte comme un monstre, un
démon. »
Accuser, c’est aussi ce qu’a choisi
de faire Julius
Malema, le Commandant en chef des Combattants pour la liberté
économique (EFF, Economic Freedom Fighters), pour lesquels Winnie
Mandela était une source d’inspiration. Dès les premiers mots, il
enfourche son thème de bataille, « l’expulsion des
terres sans compensation » des fermiers blancs, mais
aussi la « nationalisation des banques et des mines »,
la base de son programme.
S’il est une personne qui,
en Afrique du
Sud, avait identifié très tôt la question de la terre comme étant
d’une force symbolique et matérielle sans pareil, c’est bien
Winnie Mandela. Elle avait même reproché à Nelson Mandela d’avoir
trop concédé au pouvoir blanc
lors des négociations des années 1990, notamment en acceptant qu’on
garantisse par un article de la constitution la protection de la
propriété privée. C’est ce verrou qu’il est envisagé de
faire sauter désormais.
Une réforme de la constitution allant dans ce sens est désormais à
l’étude.
Mais Julius Malema va plus loin. Il
accuse certains des invités présents de faire partie de ceux qui
ont contribué à la diabolisation de Winnie Mandela. « Tu
as été trahie par les tiens. Certains de ceux qui t’ont vendue au
régime (de l’apartheid), ils sont là et ils pleurent plus fort
encore que ceux qui ont été à tes côtés. » Il
implore alors, de manière rhétorique, l’esprit de Winnie Mandela,
de lui « envoyer un signal pour savoir comment
on doit traiter ces
gens », et le sous-entendu est lourd d’une violence
encore verbale, mais qui menace le futur.
Venu
tout droit de Port Elizabeth, dans la province du Cap oriental dont
Winnie Mandela est originaire, l’évêque Kenneth Tyika, dénonçait
déjà « l’assassinat » symbolique
dont elle avait été victime. Il disait son admiration pour cette
femme inclassable, la seule à avoir identifié très tôt
l’importance de la terre pour la population noire sud-africaine, la
base de sa dignité. Il mettait aussi en garde contre les ratés
éventuels de cette réforme. « Si
cela n’est pas bien géré, nous aurons une guerre »,
affirmait-il. Dans les deux journées de commémoration, on ne voyait
presque aucun Blanc dans le stade de Soweto. Un mauvais augure pour
le futur de l’Afrique du Sud.
Mauvais augure
Il faudra, pour clore cette
cérémonie d’enterrement échevelée et calmer les
esprits, le beau discours de Cyril Ramaphosa à la gloire d’« une
géante, un soldat, la mère de la nation », traitée,
comme il l’admet, de manière terriblement injuste par l’ANC.
Alors qu’il cherche à faire revenir vers
le parti qu’il dirige, les électeurs EFF radicalisés, le nouveau
président sud-africain a montré tout son talent pour faire semblant
de ne pas avoir compris que les attaques de Malema le visaient
directement. Dans les années 1980, il était en effet à la tête du
syndicat des mineurs, et à ce titre,
membre d’une large coalition, le Mass democratic movement,
qui avait rompu les ponts avec Winnie, alors en plein dans sa dérive
au milieu de son Mandela United Football Club que la direction de
l’ANC en exil lui demandera de dissoudre.
Quelques jours plus tôt, une première
cérémonie s’était tenue au même endroit, rassemblant
la population de
Soweto et des dignitaires du parti, des sympathisants, des
admirateurs de Winnie Mandela, dans une ambiance moins protocolaire.
Ce mercredi, le ton était à la fête, à l’effusion, à
l’évocation passionnée des meilleurs moments de la « mère
de la nation », Mam’Winnie, comme on l’appelle avec
tendresse et respect.
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